19 + 6 >25

 

  
19 + 6 > 25

 

Les sociaux-démocrates français et européens dont Hamon était le candidat officieux ne peuvent que se réjouir chaleureusement de l’élimination de Mélenchon.

En effet, celui-ci, très consciencieusement, au cours de l’année qui vient de s’écouler, a planté méthodiquement les derniers clous dans le cercueil du parti socialiste français qui, sous la houlette des Hollande et Valls, était passé au social -libéralisme pur et dur, parfaitement incarné par Macron, l’agent nullement secret des marchés financiers.

Fini l’espoir d’un compromis historique entre le Capital et le Travail, où « l’ardente obligation » d’un État très puissant était de prendre toutes les mesures pour favoriser une forte croissance économique et garantir un partage équitable des ressources  entre tous les acteurs de la vie économique et sociale.

Pour les sociaux-démocrates « canal historique », l’élévation du niveau de vie des masses populaires, la sécurité sociale pour tous, le plein emploi, étaient les objectifs principaux qu’il était possible d’atteindre à la condition que les syndicats renoncent explicitement à la remise en question des rapports de production capitalistes. C’était en quoi consistait le célèbre programme de Bade Godesberg élaboré par la social-démocratie allemande à la fin des années cinquante du vingtième siècle, à savoir :

  - le rejet des analyses de Marx sur le caractère historique du mode de production capitaliste.

  - l’acceptation du salariat comme étant l’horizon indépassable de l’organisation des rapports sociaux de production, et donc l’affirmation que le capitalisme était viable, qu’il n’était condamné par aucune LOI DE L’HISTOIRE .

   - la nécessité d’appliquer les enseignements de Keynes, qui, en pleine crise de 1929, au moment où certains s’imaginaient vivre en direct le chute finale du capitalisme emportée par cette énième crise de surproduction annoncée par Marx dans le Capital, prétendait qu’il suffisait aux élites dirigeantes de faire preuve d’intelligence, de renoncer au culte de la cupidité, et de se donner les moyens de faire vivre un Etat-Providence pourvoyeur de bien-être et du plein emploi.

Ainsi, l’avenir politique de l’humanité  revient, pour les émules des marchés financiers qui se sont donnés les moyens de propulser Macron à la présidence de la République française,  à renoncer  explicitement  aux enseignements des Machiavel, Locke, Rousseau, Marx, Weber, Gramsci, Orwell, Chomsky, Habermas, Césaire, Fanon, Bourdieu, Laclau et de milliers d’autres penseurs  du politique, pour qui, à l’évidence, toutes les sociétés sont nécessairement conflictuelles, qu’il existe des dominants et des dominés qui, presque « naturellement », lutteront contre ceux qui les écrasent.

Mais c’est en vain que Macron et ses soutiens qui agissent en bande organisée à l’échelle mondiale, s’imaginent qu’il suffit de contrôler tous les médias pour que l’Evangile du Marché soit cru par tout le monde. Depuis la grande crise de 2008, seule une minorité de benêts et de cyniques font semblant d’y croire. Il n’est pas vrai que les marchés financiers seraient efficients et que la grande liberté dont ils veulent bénéficier serait de nature à générer une croissance économique forte et durable ainsi que le plein emploi.

Pour les tenants du social libéralisme, le moment est venu de faire place au règne sans partage de la sondocratie relayée par la médiacratie  qui enseignent ad nauseam que tout le monde est beau, tout le monde est gentil, que les citoyens ne sont ni de droite, ni de gauche, et de droite et de gauche, que la sociologie politique est une science inutile, qu’ils n’existent point de clivages sociaux pertinents pouvant s’articuler avec des prises de positions politiques différentes

Socialisme ? Social-démocratie ? Social-libéralisme ? Suppression de la pauvreté dans le monde ? Réduction des inégalités ?

Pourquoi se poser ces problèmes d’un autre temps ?

Faisons confiance au Dieu Marché qui fort de sa toute puissance et de son extrême bienveillance saura toujours comment procéder.

Il suffit de s’afficher moderne, progressiste et faire le nécessaire pour réduire le rôle de l’Etat, généraliser l’insécurité sociale pour mieux commander des salariés qui ne seront plus défendus par des syndicats trop puissants qu’il faut combattre et diaboliser.

Il devient fondamental de donner le maximum de pouvoir aux financiers qui savent comment s’y prendre pour rendre les riches plus riches et les pauvres plus pauvres.

D’une manière générale, il faut organiser de manière systématique la régression de la qualité du débat politique

La victoire annoncée de Macron n’aidera guère à y voir plus clair dans le champ politique martiniquais. Les bluffeurs, les amuseurs vont continuer à occuper le devant de la scène politique s’imaginant pourvoir tromper tout le monde tout le temps.

Mais ils ne perdent rien pour attendre

Avec des si, on peut, il est vrai imaginer ce que l’on veut. Quand on sait que la politique n’a pas grand-chose à voir avec les règles de l’arithmétique élémentaire, au vu de l’enthousiasme qui a accompagné la campagne de Mélenchon, on est obligé d’admettre que 19 plus 6 fait nécessairement un peu plus que 25. On peut en effet regretter amèrement qu’Hamon n’ait su résister aux pressions évidentes de la social -démocratie européenne en refusant de se ranger derrière le candidat de la gauche insoumise qui  aurait été admis aisément à participer au second tour de ce scrutin, un candidat unique de la gauche ne pouvant que galvaniser des électeurs un peu plus que déçus par le quinquennat de Hollande.

L’échec relatif de Mélenchon ne peut rester sans lendemain.

Tous ceux qui savent que le social-libéralisme n’est pas l’horizon indépassable de notre temps sauront tirer les leçons qu’il faut de cette étrange défaite de la gauche démocratique française.

Le 24/04/2017

Cla