Dominique Strauss-Kahn : tout faire pour éviter l’arrivée au pouvoir du RN… y compris voter LFI

Publé dans Challenges        25 juin 2024

 

Pour beaucoup, dont moi, le choix à faire à l’occasion des prochaines élections législatives peut être douloureux. Nous avons d’un côté une coalition hétéroclite comprenant de vrais démocrates et de vrais totalitaires, des individus respectables et d’autres détestables. Avec en prime pour ces derniers, une dose significative et révoltante d’antisémitisme que nous faisons semblant de découvrir alors qu’elle a toujours été présente à gauche en France et ailleurs. La perspective annoncée, c’est que les totalitaires détestables domineront le Nouveau Front populaire (NFP). En réalité, je n’en suis pas si sûr.

Nous avons de l’autre côté une coalition homogène de vrais totalitaires, tous détestables, dont l’ADN est fondamentalement xénophobe et antisémite. Un parti qui n’a d’ailleurs jamais condamné l’héritage historique dont il est issu et dont la préférence nationale reste la colonne vertébrale. Une coalition homogène qui, elle, peut être majoritaire. Quel incroyable paradoxe il y aurait à laisser le RN arriver au pouvoir au nom de l’antisémitisme d’une partie de LFI, elle-même partie du NFP.

Rien à attendre des programmes économiques du RN et du NFP

Au-delà du rejet de la xénophobie, les programmes économiques peuvent-ils nous tenir lieu de boussole ? Malheureusement pas. Le programme économique du NFP est très peu crédible et, de la même manière, le programme économique du RN est très peu crédible. Deux programmes parfois assez proches dont il n’y a rien de bon à en attendre. De toute façon, quel que soit le vainqueur, il devra en rabattre beaucoup quand la réalité économique s’imposera à lui. Sauf à sortir de l’Europe, le nouveau gouvernement devra présenter une stratégie de moyen terme compatible avec le nouveau pacte de stabilité et de croissance européen. Ils auront tous deux bien du mal à le faire mais il est vrai que le gouvernement en place aujourd’hui n’a pas vraiment fait la preuve qu’il en était capable non plus, tout au contraire.

Dans les deux cas, il n’y a pas grand-chose de bon à espérer de la période qui s’ouvre. Sans doute existait-il une autre voie pour un autre président de la République. La dissolution prononcée, y a-t-il une autre issue possible ? Non, le centre droit sous ses deux espèces (LR et Renaissance) est incapable de trouver une majorité dans le pays.

Ainsi nous y sommes. Il va falloir choisir. Ne commettons pas la même erreur que les sociodémocrates allemands en 1933 qui sous-estimaient les conséquences de l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. Évidemment, il est tentant de prendre une position de principe rejetant les extrêmes et au moment décisif de choisir de rester chez soi. Ces beaux esprits ne céderont rien, mais accepteront de renoncer à choisir leur avenir et ceux de leurs enfants. Ils auront les mains pures, mais ils n’auront pas de mains nous a enseigné Péguy.

Pour éviter le pire, entre le RN et LFI, il faut choisir La France insoumise

A ceux qui veulent être dans la vraie vie, je dis qu’il faut savoir choisir son meilleur ennemi. Et pour moi sans hésitation, le meilleur ennemi est celui qui met en cause de façon principielle les fondements mêmes de la République. Celui dont l’existence même se fonde sur la xénophobie. C’est celui dont l’Histoire montre qu’il ne quitte jamais pacifiquement le pouvoir une fois qu’il l’a conquis. C’est celui qui portera atteinte à la société française si profondément que nous ne serons plus dans une alternance démocratique mais dans un changement de régime.

AAu premier tour, chacun trouvera parmi les candidats celui qui lui convient le mieux. Au second tour, en cas de duel entre un RN et un PS, un écologiste, un PC, un Renaissance ou un LR, les démocrates sauront sans hésiter comment voter : éliminer le candidat d’extrême droite. Mais en cas de duel entre un candidat RN et un candidat LFI, certains seront rebutés par les outrances insupportables, les positions indéfendables ou les déclarations méprisables de Jean-Luc Mélenchon. Mais il ne faudra pas hésiter non plus. Il faut savoir choisir son meilleur ennemi pour éviter le pire.

En 2002, pour éviter le pire au soir du premier tour, j’ai été le premier à la télévision à appeler à voter contre Jean-Marie Le Pen et pour Jacques Chirac, fusse en « se bouchant le nez ». Aujourd’hui, je lance le même appel pour empêcher la venue au pouvoir de l’extrême droite, fusse en se bouchant le nez, pour éviter le pire