Langue française et créolisation

Langue française et créolisation
Georges Daniel Véronique
Dans Pouvoirs 2023/3 (N° 186), pages 69 à 77
Éditions Le Seuil
I
 
P O U V O I R S – 1 8 6 . 2 0 2 3
Geor g e s Dani e l Vé roniqu e
LANGUE FRANÇAISE
E T C R É O L I S ATION
 
Cet article s’intéresse tout d’abord à l’émergence des langues créoles,
dont les premières attestations remontent au xviie siècle, dans les
colonies du royaume de France. Je tente de préciser les déterminants du
procès de créolisation linguistique qui permet cette émergence dans des
contextes coloniaux où sont mises en présence des variétés de la langue
française, d’autres langues d’oïl, des langues africaines, et également
la langue malgache dans les colonies de l’océan Indien. Les langues
créoles françaises adviennent en moyenne quelque soixante-dix ans après
l’importation des premiers esclaves, et l’asymétrie sociale qui s’instaure
dès lors entre ces langues et le français accompagnera l’évolution des
sociétés créoles. Des relations de domination, de minoration, mais aussi
de revendication se nouent au long des siècles entre la langue française
et les créoles. Cette coexistence linguistique antagonique façonne les
sociétés créolophones tout autant qu’elle en révèle les contradictions. De
nos jours, les créoles français jouissent d’un statut de langue co-officielle
dans certaines formations sociales. Grâce à la mondialisation, ils sont
parlés au sein de nombreuses régions du monde, au-delà de leur territoire
d’origine. La diaspora créolophone ainsi constituée participe à sa
manière de la francophonie.
La dénomination savante criolle, empruntée à l’espagnol criollo et
au portugais crioulo, ainsi que sa variante populaire créole sont usitées
dans la langue française dès le xviie siècle. Ces termes servent d’abord
à désigner les personnes nées dans les colonies. Le dénominatif créole
apparaîtra plus tardivement dans les realia dénommant des objets et
pratiques propres aux colonies, dont les langues qui y sont parlées. Selon
Jean-Luc Bonniol, le verbe créoliser, et surtout son participe créolisé,
 
sont attestés en français dans les années 18401. La nominalisation créolisation
généralisée par l’anthropologue Armand de Quatrefages émerge
à la Société d’anthropologie de Paris en 1884, dans des échanges sur la
modification des moeurs et des races lors de la transplantation coloniale
et du métissage qu’elle produit2. À la même période, d’autres sociétaires
(Hovelacque, Adam et Vinson) débattent des langues créoles.
Créole et créolisation, termes et notions nés pour dire la réalité coloniale,
prospèrent dans les sciences humaines aux xixe et xxe siècles. La linguistique
de la fin du xixe siècle s’empare des créoles dans le cadre de ses débats
sur l’hybridation et la mixité linguistiques. Comme le montre Bonniol,
c’est l’emploi du mot « créolisation » dans les travaux de langue anglaise
qui promouvra l’emploi de ce terme et de cette notion en anthropologie3.
Dans le cours du xxe siècle, le terme de créolisation est employé également
pour décrire des faits d’acculturation et de métissage culturel. Dans ce
texte, je m’en tiendrai exclusivement à l’usage de ce terme pour désigner
l’émergence et l’évolution des langues créoles lors de l’expansion coloniale
européenne, en ignorant délibérément toute référence à l’emploi de cette
notion en anthropologie et dans la pensée d’Édouard Glissant. Chez ce
dernier, la créolisation est une notion féconde qui renvoie à une perpétuelle
réinvention du monde, au divers et à l’inédit. J’écarterai aussi sans
trembler l’expression puriste « créolisation de la langue française », utilisée
à mauvais escient, et de façon péjorative, pour désigner toute atteinte
supposée à la langue française, y compris sur le plan orthographique.
Di a l e c t e s d ’oï l e t va r i é t é s d e f r anç a i s
d ans l e p r emi e r emp i r e coloni a l
En dépit de l’ordonnance de Villers-Cotterêts qui en 1539 promeut le
« langaige maternel françois » en matière de police et de justice dans le
royaume, et de l’institution de la langue française aux xvie et xviie siècles,
le royaume de France présente une grande diversité linguistique au
moment où débute son expansion coloniale. Quatre habitants sur cinq
ne maîtrisent pas la variété « de la cour et des bons auteurs », qui devient
au xviie siècle la variété instituée de la langue française.
À l’instar d’autres puissances européennes, le royaume de France se
lance dans une entreprise coloniale à la suite de la découverte du Canada
1. « Les théories “anglo-saxonnes” de la créolisation culturelle », Archipélies, n° 3‑4, 2012, p. 32.
2. Cf. Jean Benoist, « La créolisation : locale ou mondiale ? », ibid., p. 19‑30.
3. « Les théories “anglo-saxonnes” de la créolisation culturelle », art. cité, p. 34.
 
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par Jacques Cartier, en 1534. Cette expansion s’explique par des raisons
politiques et économiques mais aussi démographiques : la France est
alors le pays le plus peuplé d’Europe et une misère endémique favorise
l’émigration. Au début du xviie siècle, la Nouvelle-France est un vaste
territoire qui s’étend graduellement de l’actuel Québec à la Louisiane
en passant par l’Acadie ; la ville de Québec est fondée en 1608. À partir
de Saint-Christophe dans la Caraïbe (1627), des territoires antillais sont
également acquis (Martinique et Guadeloupe en 1635, Sainte-Lucie
en 1640, etc.). Des colonies sont fondées en Amérique du Sud (Guyane
en 1643) et dans l’océan Indien (Bourbon en 1640, notamment) et des
comptoirs ouverts à Saint-Louis du Sénégal (1659) et en Inde (Surate
en 1668). Cet essaimage de comptoirs, de colonies de peuplement et de
colonies d’exploitation à partir du xviie jette les bases du premier empire
colonial français et assure la diffusion de variétés dialectales d’oïl et de
variétés de la langue française au-delà de leur aire d’origine, en Amérique
du Nord, dans la Caraïbe et dans l’océan Indien.
Les colons qui peuplent la Nouvelle-France, les Antilles françaises et
les archipels de l’océan Indien proviennent des mêmes régions de France
où les langues d’oïl sont parlées. « En gros, un tiers de colons d’origine
normande, un tiers de colons originaires de l’Île-de-France et des régions
avoisinantes, et un tiers provenant du Sud-Ouest du domaine d’oïl, le
Poitou, l’Anjou, etc. », indique Chantal Bouchard4. D’après Robert
Chaudenson, « tous parlent […] des idiomes, plus ou moins francisés
et marqués par des régionalismes ou des dialectalismes dans lesquels
l’influence des parlers d’oïl est […] déterminante5 ». Donc, si la langue
administrative des colonies est « la langue française cultivée », les colons,
propriétaires d’esclaves, usent, eux, de variétés dialectales et populaires
du français, voire d’autres variétés de langues d’oïl.
Le procès de développement des langues créoles dans les colonies
d’exploitation esclavagistes résulte principalement de la mise en contact
de ces variétés dialectales d’oïl, dont les français de l’Île-de-France, et
des langues parlées par les esclaves. Il n’est pas exclu de penser que le
français dominant dans les colonies à cette période est une koinè nouvelle,
marquée par de nombreux régionalismes.
4
L’ éme r g enc e d e s c r éol e s
Il est vraisemblable qu’une langue de truchement se soit développée
dès les premiers contacts entre Européens et Amérindiens dans la
Caraïbe, avant même l’arrivée des esclaves africains. Lambert-Félix
Prudent postule un rapport de continuité entre le « baragouin des
sauvages », tel qu’il est rapporté par Chevillard en 1659 – « moy voulé
Chrétienne bonne pour le grand capitou, le Dieu des Chrétiens » – et
le « jargon des nègres » que cite Pelleprat en 1655 – « Seigneur, toy bien
sçave que mon frère luy point mentir, point luy iurer ; point dérober,
point aller luy à femme d’autre, point luy méchant, pourquoi toy le
voulé faire mourir ? »6. Entre ces premières attestations et une « Passion
en langage nègre » datée approximativement de 1740 – dont voici un
bref extrait : « Dans tems la, comme jour pâque té proche, tous peres
jouifs la ïo tous faire complot pour quiember jesi ; mais ïo té bin barassé
ïo té dire, comment nous va faire ? » –, la langue créole de la Caraïbe
s’est formée. C’est ce qu’attestent la postposition du déterminant la
et la marque de pluralité ïo dans tous peres jouifs la ïo dans l’extrait
précédent ; cette structure du groupe nominal est identique à celle du
créole haïtien contemporain.
L’émergence des langues créoles françaises dans les colonies antillaises,
en Guyane, en Louisiane et dans l’océan Indien est indissolublement
liée à l’esclavage. Environ quatre millions d’Africains et de Malgaches
sont déportés vers les colonies françaises entre le xviie et le xixe siècle.
L’esclavage y est régi à partir de 1685 par un édit royal (le Code noir),
révisé à diverses reprises. Ce texte juridique, qui fixe les droits et devoirs
du propriétaire d’esclaves, le régime de punition de ces derniers, etc.,
instaure l’obligation de les christianiser. Cela se fera en « langage nègre »,
ce qui joue en faveur de l’avènement des langues créoles.
« H a b i tat ions » , p l antat ions
e t d év e lopp ement d e s c r éol e s
Le point de rupture entre les « français approchés » des esclaves et les
variétés de français parlées dans les colonies est délicat à établir. Il est
assurément lié à l’expansion démographique des entreprises coloniales
et tout particulièrement au développement du régime de la plantation
6. Pratiques martiniquaises : genèse et fonctionnement d’un système créole, thèse de sciences
du langage, Université de Haute-Normandie, 1993.
 
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dans ces territoires. L’afflux important d’esclaves y modifie la dynamique
sociale et crée les conditions d’émergence des créoles. Ainsi, Saint-
Domingue (Haïti à partir de 1804) compte, quinze ans après la fondation
de la colonie en 1670, 2 102 esclaves noirs pour 4 400 Blancs. Au coeur des
« habitations » coloniales, la population « blanche » et la population des
esclaves partagent les mêmes conditions de vie. La population d’esclaves
est « exposée » aux parlers dont usent les colons. Il existe certainement
une forte variation dialectale dans les habitations entre les parlers des
maîtres et les « français approchés » des esclaves, qui n’ont pas encore
perdu l’usage de leurs langues d’origine.
Vingt-huit ans plus tard, en 1713, le système de la plantation ayant
été instauré dans la colonie, la population noire de Saint-Domingue
a été multipliée par dix et s’élève à 24 146 esclaves pour 5 509 Blancs.
L’importation massive de nouveaux esclaves (esclaves bossales) entraîne
des ruptures dans le circuit des échanges linguistiques entre maîtres et
esclaves. À Saint-Domingue, la population servile ne cessera de croître
tout au long du xviiie siècle, pour atteindre 462 000 personnes à la veille
de la Révolution française ; la population blanche est alors composée de
30 801 personnes, à laquelle s’ajoutent 24 843 libres, de toutes complexions.
La croissance de la population servile suit une courbe identique dans
toutes les colonies ; seuls le rythme et l’importance de l’expansion de la
main-d’oeuvre servile varient d’une colonie à l’autre. Ainsi, les esclaves
– esclaves « bossales » et esclaves « créoles », nés aux îles – dépassent
les « Blancs » en nombre dix ans après l’établissement de la colonie de
l’Isle de France (Maurice), alors que ce processus prend cinquante ans
à Bourbon (La Réunion). L’accroissement exponentiel de la population
d’esclaves est le facteur déterminant de la créolisation, associé à la violence
et la domination esclavagistes, ainsi qu’au développement d’une contreculture
des opprimés.
Lang u e f r anç a i s e ,
c r éol i s at ion e t c r éol e s f r anç a i s
Environ 90 % du vocabulaire des langues créoles françaises est issu d’un
fonds lexical « français ». D’après Chaudenson, les vocables d’origine
française des créoles se répartissent en trois grandes catégories (les
exemples proviennent du créole réunionnais) : a) des variantes de
termes français (zanpi, « attache d’hameçon », à partir de « empile »,
sens identique) ; b) des termes issus des parlers dialectaux français et
des usages anciens conservés (plantage, « culture ») ; c) des néologismes
 
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créoles, souvent par dérivation propre à partir de lexèmes français (mayé,
« entremêler », à partir de « mailler », faire des boucles pour tisser ; qui
produit mayaz, « entremêlement »). À ces termes s’ajoutent ceux issus du
français maritime comme dalot, en créole mauricien, pour « gouttière »,
ou rale, créole haïtien, pour « haler »7.
En matière grammaticale, de nombreuses survivances des dialectes
d’oïl et des variétés de français sont attestés dans les différents états
des créoles français, ainsi que des innovations dues à l’influence des
langues parlées par les esclaves, ou à des développements autonomes.
De nombreux auteurs ont relevé des identités grammaticales entre les
variétés linguistiques dont usaient les colons et les créoles : les marqueurs
aspecto-temporels préverbaux comme té, ap (é), va proviennent des
périphrases temporelles françaises était à, être après, aller/vais à ; les
déterminants nominaux du créole haïtien, yon (un), la (défini) et sa (ça)
et la conjonction ke (que) sont également issus de la langue française.
Pourtant, la postposition du déterminant la (défini), l’invention d’une
marque de pluralité (yo postposé au nom ou bann préposé au nom dans
les créoles de l’océan Indien) et d’autres traits grammaticaux encore
témoignent également de l’influence des langues des esclaves dans les
créoles français.
Il est impropre d’énoncer que le développement des créoles français
résulte de la créolisation de la langue française et des variétés dialectales
d’oïl parlées par les colons. Certes, ces langues ont fortement contribué
tant sur le plan lexical que grammatical aux langues créoles émergentes,
mais il en est de même pour les langues parlées par les esclaves. Des
convergences entre langues en contact ont favorisé des hybridations, et
des développements propres se sont produits par ailleurs.
Ra pp ort s conf l i c t u e l s
av e c l a l ang u e f r anç a i s e
De leur émergence au sein des habitations et des plantations à leur emploi
dans les sociétés esclavagistes et post-esclavagistes, les langues créoles
ont été cantonnées dans un rôle ancillaire. Selon Prudent, l’histoire des
langues créoles est un long processus de minoration, dont le mécanisme
essentiel est la « machinerie diglossique »8. En effet, la séparation entre
 
les créoles et la langue française est pensée en termes de diglossie, où
le français est érigé en langue du prestige social et le créole assigné au
statut de variété basse dans les sociétés créoles.
Dans le seul outre-mer français, dès les années 1970, cette vision a
suscité la critique des intellectuels, et une volonté d’outiller les langues
créoles s’est fait jour. Aux Antilles, cette activité militante est à porter
essentiellement au crédit du Groupe d’études et de recherches en espace
créolophone, qui a promu des graphies et une charte culturelle. En 1977,
Axel Gauvin esquisse un programme pour un bilinguisme créole-français
à La Réunion9, travail qu’il a poursuivi avec la création de « Lofis la
lang kréol la Rényon » en 2006.
Depuis le début du xxie siècle, la situation sociolinguistique à
La Réunion, comme aux Antilles d’ailleurs, a évolué de telle sorte que
« le français s’est progressivement immiscé dans les foyers et même dans
certaines conversations de travail ; le créole quant à lui s’est largement
répandu à l’école, dans la presse orale et écrite, sur des panneaux publicitaires10
». Ces mélanges s’accompagnent d’une régression des usages
de la langue créole dans les foyers de La Réunion et de la Martinique.
À l’opposition radicale diglossique entre le français et le créole dans les
départements et régions d’outre-mer, et dans d’autres territoires créolophones,
se sont substitués des continuums de pratiques langagières mixtes,
divergents selon les territoires. Dans lesdits drom, les rapports entre le
français et les langues créoles ont évolué vers une domination renforcée
du premier, assortie d’une réelle survie des secondes. De la République
d’Haïti, où le créole demeure dominant, à la République des Seychelles
et à celle de Maurice, où créole et français s’opposent habituellement,
on constate la présence grandissante de l’anglais. Dans bien des territoires,
des républiques créolophones (Haïti, Maurice, Seychelles) aux
drom, les langues créoles se sont grammatisées et disposent dorénavant
de graphies normalisées, de manuels de grammaire et de dictionnaires,
parfois rédigés en langue créole.
 
G eorges daniel véronique
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Le s c r éol e s f r anç a i s d ans l e mond e
e t l a f r ancophoni e
Au sein de leur territoire d’origine dans la Caraïbe (Commonwealth de
Dominique, République d’Haïti, Sainte-Lucie, départements français
de Guyane, de Guadeloupe et de Martinique), dans l’océan Indien
(Républiques de Maurice et des Seychelles, département français de
La Réunion) et aux États-Unis (Louisiane), ou au sein de nouveaux
territoires comme l’Australie, le Canada, la France hexagonale et les
grandes métropoles américaines, environ quinze millions de personnes
parlent un créole français. Plus de six millions d’entre elles, à Haïti, ne
parlent que créole. Par le fait des mouvements migratoires, les langues
créoles françaises des drom ont essaimé dans d’autres régions françaises,
en Île-de-France notamment. On peut estimer à un peu plus de deux
millions de locuteurs la population de créolophones de nationalité
française. Il faut y ajouter les migrants créolophones haïtiens, mauriciens,
seychellois, etc., qui ont transporté leurs propres créoles dans les
aires créolophones françaises voisines de leurs terres d’origine, et en
France continentale.
Dans le cadre de la République française, les langues créoles participent
au débat national sur les langues régionales, notamment en ce
qui concerne leur intégration à l’école primaire ou secondaire. Leur
devenir est également lié aux autres langues de l’outre-mer français et
à la politique linguistique de la République pour son outre-mer telle
qu’elle a été définie par la déclaration de Cayenne de 2011.
Les territoires « créoles » de la Caraïbe et de l’océan Indien se situent
dans des zones géopolitiques sensibles. Ces terres créolophones et
également francophones occupent une place stratégique importante
dans ces zones où la langue anglaise est dominante. De nombreux pays
créoles indépendants sont membres de l’Organisation internationale de
la francophonie11 et constituent, comme la diaspora créole, des vecteurs
importants de diffusion du français.
*
La créolisation comme procès d’émergence des langues créoles
françaises est une conséquence indirecte de la diffusion des variétés
11. Voir, infra, Fabrice Hourquebie, « Langue française, Francophonie politique et diplomatie
», p. 89-98.
© Le Seuil | Téléchargé le 01/09/2023 sur www.cairn.info par Louise-Alexandrine Emmanuel (IP: 92.144.133.128)
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d’oïl et de français à travers les continents lors de l’expansion coloniale
du royaume de France. L’examen de ces langues dans leur relation aux
variétés d’oïl et de français est riche d’enseignements pour l’étude philologique
et linguistique de la langue française. Les créoles ont longtemps
été dominés par le français dans les espaces où ces deux langues coexistent.
Dorénavant, ces relations anciennement diglossiques prennent des formes
distinctes selon les formations sociales concernées.
Les territoires créolophones, marqués par l’esclavage et par le conflit
linguistique, ont fortement contribué au rayonnement des lettres françaises
dans le monde, de l’Haïtien Depestre aux Antillais Glissant, Chamoiseau
et Confiant et aux Mauriciens Le Clézio et Ananda Devi. Avec eux, les
quinze millions de locuteurs de langues créoles françaises sont également
de facto des soutiens de la francophonie.
r é s u m é
L’expansion coloniale du royaume de France, qui débute au xvie siècle, assure
la diffusion des parlers d’oïl du Nord-Ouest et de l’Ouest de l’Hexagone,
des dialectes de l’Île-de-France et de la langue française en Nouvelle-France,
dans la Caraïbe et dans l’océan Indien. Dans les colonies d’exploitation
tropicales, l’exposition des populations d’esclaves plurilingues aux variétés
linguistiques en usage chez les colons a favorisé l’émergence des langues
créoles. Des rapports de domination et de minoration se sont instaurés entre
le français et les créoles dans les territoires créolophones. Au xxie siècle, les
quinze millions de locuteurs de créoles français de par le monde constituent
un atout pour la francophonie.
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