L'EMPIRE AMERICAIN L'EUROPE LA FRANCE

 

 

 

LA CLASSE DIRIGEANTE DES ETATS-VASSAUX 
Quatre lettres ouvertes à M. Jacques Myard, Député de la nation, Président du Cercle Nation et République 

III

Demain, le patriotisme

 

Note liminaire
1 - Brève rétrospective de l'histoire de la raison
2 - D'Athènes à nos jours
3 - Le XVIIIe siècle censuré
4 - Les premiers craquements de l'empire américain 
5 - La façade de l'empire se fissure 
6 - Comment rebattre les cartes
7 - Les Young Leaders 
8 - L'exemple de Bernard Guetta
9 - la psychophysiologie des valets
10 - Demain, le patriotisme 
11 - L'humiliation de la France 

Note 2 : La pensée rationnelle serait-elle de retour?

 

Note liminaire 

A un jour d'intervalle, Mme Merkel et M. Hollande ont téléphoné à M. Barack Obama afin de solliciter les conseils de ce protecteur bienveillant. On venait de découvrir, avec une feinte surprise, la surveillance du CAC Quarante par les services secrets américains, comme si le maître de la politique étrangère de l'Europe pouvait rencontrer l'obstacle d'une peccadille.

Les pages qui suivent sont amusées par la révolte d'Athènes. Car il est clair que l'Europe des vassaux ne se situera pas au centre de la géopolitique et que ce continent n'acquerra du poids ni sur la scène internationale, ni face à ses propres membres aussi longtemps que le grotesque de sa diplomatie donnera des leçons de démocratie au pays qui a inventé la démocratie. Une Europe qui ne dispose plus de la souveraineté attachée à la définition même des démocraties se met elle-même hors jeu.

Puisque M. Barack Obama ne téléphonera jamais à Mme Merkel ou à M. Hollande pour leur demander leurs conseils dans un différend qui opposerait la Maison Blanche au Kentucky ou à la Californie, je demande seulement au lecteur de lire la présente lettre dans l'optique d'une anthropologie de la politique.

Monsieur le Député,

1 - Brève rétrospective de l'histoire de la raison 

L'histoire écrite de notre cervelle ne compte que quelques millénaires; mais cet organe n'a jamais progressé qu'à l'école des élites dont les neurones ont inspiré et guidé l'évolution du crâne de notre espèce. Dès le Ve siècle avant notre ère, l'encéphale d'Athènes s'est divisé entre, d'un côté, les rares combattants de la pensée logique et démonstrative étroitement associées et, de l'autre, la masse des entendements demeurés à l'écoute des dieux.

Tout au long du procès intenté à Socrate par Mélétos, suivez du regard les équipées de notre matière grise dans des mondes fantastiques. La procédure alors en usage a illustré le caractère insoluble du conflit entre le devin Euthyphron et la phalange audacieuse des premiers philosophes du concept. Ceux-ci s'étaient mis à l'école des oracles de Platon et d'Aristote et tentaient, pour la première fois dans l'histoire des évadés des forêts, de forger une élite dirigeante ennemie du fabuleux, mais qu'il fallait initier par degrés aux blasphèmes des démonstrations abstraites que proféraient les oracles de la dialectique, c'est-à-dire, étymologiquement parlant, la traversée intrépide du monde physique par un logos sûr de lui et piloté d'une main de fer par la pensée logique.

Pour observer l'encéphale timide des Athéniens avant la découverte de l'acier du concept, lisez seulement Hippias mineur, qui posait craintivement et pour la première fois, la question: "Qu'est-ce que la justice, qu'est-ce que le droit, qu'est-ce que la vérité, etc., etc." La pensée est née de la vaillance du concept, elle continuera avec la question: "Le concept est-il une nasse fiable?"

Enseigner à distinguer l'idée de beauté d'une belle marmite ou d'un beau vieillard ne fut pas une mince affaire. En ces temps reculés, l'abstrait faisait ses premiers pas dans les têtes. Aujourd'hui, ce n'est plus la généalogie des dieux, mais celle du langage auto-vassalisateur de la bête parlante que nous devons apprendre à décrypter. Plus que jamais il appartient à Socrate de radiographier en anthropologue l'animal qui cache ses griffes et ses crocs sous les floralies du concept. Quel rôle le personnage qu'on appelle l'abstrait joue-t-il dans la vassalisation américaine du monde?

M. le Député, le suffrage universel est à la fois votre élève et votre disciple. Vous apportez à la Liberté son enclume, mais comment forgerez-vous sur l'enclume d'un droit international public en acier trempé une pensée qui redonnerait à l'Europe son sceptre de chef et de guide et qui rendrait obsolète la géopolitique messianisée d'un faux évangélisateur de la démocratie universelle?

2 - D'Athènes à nos jours 

Les péripéties de la guerre entre la forteresse aveugle de la tradition religieuse et le bastion de la parole rationnelle a préfiguré toute l'histoire de l'Occident des autels - et cela jusqu'au conflit contemporain entre le puissant élan des rêves sacrés dont les masses musulmanes présentent le théâtre, d'une part et l'étroite aristocratie des observateurs qui tentent de se camper à l'écart de tout le genre humain et d'apprendre à porter sur la conque osseuse de notre étrange espèce un regard abasourdi. (L'avenir de laphilosophie européenne 1 , 2 , 3 , 29 mai, 5 juin, 12 juin 2015). Ceux-là se plantent, de siècle en siècle, hors de l'enceinte cérébrale des évadés ahuris des forêts.

Quel chemin suivent-ils? Longtemps ils ont considéré que le christianisme empruntait une route plus rationnelle que celle de Mélétos et des devins et ils ont pris le relais des élites iconoclastes de la fin de la pensée antique. Mais les ravages politiques qu'exerçait l'effondrement soudain et généralisé des bonnes mœurs avaient conduit, en quelques générations seulement, l'empire à la ruine des institutions multiséculaires héritées de la République, de sorte que le premier devoir des intelligences supérieures ne semblait plus d'assurer la continuité des progrès de la lucidité au cœur de la civilisation de l'époque et de la floraison des Lettres, des sciences et des arts: il fallait donner à notre premier détoisonnement la puissante armature d'une éthique qu'on rendrait universelle de toute urgence. Or, pensions-nous, seule l'atrocité des tortures posthumes que nous infligerions par procuration aux contrevenants les plus effrontés parviendrait à imposer notre loi à la terrible alliance du péché avec le Diable - et, pour cela, il fallait rendre l'épouvante plus crédible à l'enfouir dans les profondeurs de la terre.

Comme vous le savez, le christianisme s'est rendu dissuasif à saliver en cachette sur nos cruautés post-tombales; et il a tenté d'initier nos malheureux chefs d'Etat à une moralisation ardente de la fureur politique qui caractérise notre humanité. Un naufrage sans remède de l'art d'écrire avec clarté et simplicité, donc de penser avec droiture en est aussitôt résulté. Notre ambition soudaine de nous purifier définitivement a failli anéantir jusqu'au dernier les chefs-d'œuvre littéraires du monde antique et il nous a fallu attendre près de quinze siècles pour que resurgisse au sein d'une Europe hébétée une élite relativement initiée aux ressources conjuguées de l'éloquence et de la pensée, donc redevenue ambitieuse de sauver de la rouille les armes partiellement retrouvées d'une logique encore tâtonnante.

Mais il était trop tard pour réparer les désastres d'une piété terrorisée par les châtiments éternels que nous infligeait notre nouveau Jupiter; car nos rites sacrés avaient englouti quatre-vingt dix-huit pour cent des textes les plus mémorables dont le génie de nos ancêtres avait laissé l'héritage entre nos mains. Mais "le monde sera sauvé par quelques-uns", nous dira André Gide. Gloire aux microscopiques phalanges d'insectes de la lucidité qui, de siècle en siècle, ont sauvé des eaux Homère, Virgile, cinq pour cent de Sophocle, d'Euripide, d'Aristophane, ainsi que des chapitres-clés de Tacite, des bribes éloquentes d'Hérodote et la partie la plus substantielle de Platon.

Comme vous le savez, M. le Député, il aura fallu attendre le XVIIIe siècle français pour que la guerre d'une pensée rationnelle et grosse d'une attente mondiale retrouvât la sainteté de nos sacrilèges - et surtout pour rendre l'entendement de nos logiciens beaucoup plus performant en leurs blasphèmes qu'au cours de la Renaissance du XVIe siècle, qui était devenue tellement timide qu'elle ne redonnait son élan iconoclaste qu'à une philologie éprise d'exactitude grammaticale et de correction syntaxique.

Mais, à partir de 1905, la pensée rationnelle de l'Europe n'a pas tenté d'approfondir jusqu'au tragique l'humanisme demeuré relativement superficiel hérité du théâtre grec. Puis la séparation soudaine et cassante de l'Etat démocratique d'avec l'apprentissage officiel des dogmes du principal mythe sacré de l'époque, celui des chrétiens, n'a pas permis à l'élite des épéistes isolés de se mettre en selle et de tenir leurs harnais en main. Aussi les Etats actuels se trouvent-ils fort désarçonnés par le piétinement d'une anthropologie prématurément qualifiée de scientifique, mais terrifiées à l'idée d'approfondir la connaissance des ressorts de l'encéphale pusillanime des évadés de leurs forêts.

Il en résulte que l'élite de la classe politique des pays abusivement qualifiés de démocratiques ignore la nature même de sa tâche de pédagogue des peuples sous-instruits et des nations décérébralisées par l'incohérence d'une Liberté embryonnaire et mythologique.

3 - Le XVIIIe siècle censuré 

M. le Député, vous qui vous réclamez de la voix de la nation, vous que tourmente le difficile accouchement d'une philosophie du songe démocratique, vous savez que ce n'est pas le hasard qui a conduit Mme Vallaud-Belkacem à interdire l'enseignement de l'histoire des idées du XVIIIe siècle dans les écoles d'un Etat dont le guidage repose pourtant sur des pilotes de l'entendement humain, donc sur la formation d'une élite d'éducateurs de la pensée rationnelle. Ou bien trois millions et demi de musulmans français penseront, en tapinois, que leur religion est bel et bien la vraie, puisque, depuis plus de trois siècles, les chrétiens ont publiquement réfuté leurs propres hérésies et avoué, coram populo, le truquage de leurs prodiges; ou bien les fidèles d'Allah se diront que les civilisations ne progressent décidément qu'à l'école des pédagogues de la cervelle du genre humain et ils se demanderont pourquoi l'islam n'a plus d'autres forgerons de la parole que des vérificateurs assermentés de la logique interne des écrits censés avoir été dictés à Muhammad par l'ange Gabriel.

Votre visite courageuse à Moscou et celle de quelques-uns de vos collègues aussi casse-cou que vous-même en Syrie a révélé les apories dont souffre une civilisation fondée sur le mythe d'une Liberté politique murmurée à l'oreille des microcéphales de notre temps. Ce qui manque avant tout à une civilisation retombée dans le piège de la peur de penser honnêtement et terrifiée à l'école même des idéaux de la Révolution française n'est autre qu'une titanesque ignorance du vocabulaire des empires de type démocratique et des règles qui président à la progression du messianisme qu'ils soufflent dans la montgolfière de leur langage.

4 - Les premiers craquements de l'empire américain 

J'ai rappelé la semaine dernière que Mme Angela Merkel ne fait que réciter une leçon apprise par cœur dans toutes les écoles publiques de sa patrie, celle d'une catéchèse politique impérieuse et censée apporter le salut au monde entier par l'enseignement, tout verbal, dont la démocratie a peinturluré la planète. Qu'est-ce qu'un empire qui se proclame le directeur de conscience incontesté de l'humanité? Ce type d'inculcation d'une croyance permet à un Vatican de la vie publique de scolariser une Europe pour enfants de chœur.

La politologie d'autrefois obéissait à une eschatologie religieuse; elle obéit maintenant à un apostolat postiche et dont le saint sacrement est tombé entre les mains de quelques mannequins d'un mythe public. La nouvelle carence cérébrale dont souffrent les élites dirigeantes du monde actuel se manifeste essentiellement par la pauvreté de leurs analyses des procédés bien rodés à l'aide desquels un empire vassalise la planète à l'école de son messianisme pseudo démocratique. Observez donc de près les intérêts temporels bien compris de l'empire américain : ils sont non moins habilement occultés que ceux d'une Eglise du Moyen-Age qui les cachait sous le dais d'une théologie de la délivrance de l'humanité.

M. le Député de l'idée de nation, pourquoi tarder à croiser le fer avec les marchands de nuées de la démocratie? La tâche de tirer l'épée sur le pré des Républiques vous reconduira tôt ou tard à votre vaillance inaugurale, celle d'observer les carences morales et les pannes cérébrales dont souffrent les élites dirigeantes de l'ultime mouture du mythe du salut. Pour cela, je suis convaincu que vous commencerez par recenser les pratiques et les routines les plus courantes du pseudo apostolat américain. Car, au cours de la visite de M. Kerry à Sotchi le 12 mai, c'est-à-dire quelques jours seulement après la commémoration de la victoire de l'Union soviétique sur les armées du IIIe Reich, il est à nouveau clairement apparu que le seul dirigeant réel du monde salvifique d'aujourd'hui demeure l'empire du César américain et que les nations pelotonnées autour de la couronne de ce rédempteur officiel ne sont que des figurants vassalisés sous le sceptre d'une utopie impériale.

Tout en proclamant bien haut que les accords de Minsk feraient désormais la loi, puisqu'ils portaient le sceau de leur légitimation internationale par la volonté expresse des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité, donc y compris l'aval affiché de M. Barack Obama, M. Kerry a néanmoins expulsé d'emblée la France et l'Allemagne de la table des tractations et tenté d'imposer tout de go la seule lecture américaine des accords conclus à Sotchi. Comment légitimer le coup de force qui ferait dorénavant autorité, celle que Washington formulerait le moment venu? A quel moment le César américain jugerait-il opportun de faire monter son récit sur les planches du monde? Naturellement, ce théâtre faisait comprendre aux spectateurs de la pièce que la Maison Blanche n'interpréterait jamais ce théâtre qu'à son seul profit et que les verres fumés de ses lunettes présenteraient à la salle un sens radicalement opposé à celui que démontrait la rédaction noir sur blanc. Qu'est-ce qu'un document solennellement signé et contresigné, mais à la manière d'un palimpseste, donc seulement destiné à cacher le vrai texte à tous les regards?

5 - La façade de l'empire se fissure

M. le Député, si vous ne portez pas le regard de la nation sur les hosties verbales que le cerveau du genre humain cultive de siècle en siècle, vous ne passerez pas derrière le rideau des Républiques vassalisées d'aujourd'hui. Les secrets de l'incohérence mentale dont souffrent les évadés actuels de la zoologie ne sont visibles ni à l'œil nu, ni sur les planches de ce théâtre. Certes, quelques jours plus tard, le Washington Post mettait en scène le triomphe diplomatique de M. Poutine et le New York Time rappelait également et sans rechigner, que le Département d'Etat avait conduit les Etats-Unis à Canossa! Quant ces deux tourtereaux, dont l'audience et l'autorité sont immenses sur la scène internationale, couvrent de leurs ailerons un évènement mondial de cette envergure - naturellement, la presse française a passé purement et simplement ce potin de village sous silence - quelques contrecoups en résultent nécessairement jusque parmi les vassaux de belle taille. La presse américaine ayant vendu la mèche; comment tenter de sauver la face ou la mise? Les fantoches et les potiches de l'Europe ont échoué à recoudre la tunique idéologique d'un empire américain désormais craquelé.

L'OTAN avait anticipé cet effarement de la valetaille: quatre jours plus tard, toute la maisonnée avait compris les raisons de l'absence de M. Erdogan sur la Place Rouge le 9 mai. Les dirigeants effrayés et abasourdis de l'Europe des plates-bandes et des potagers se sont replacés en toute hâte et par ordre alphabétique sous les ordres du commandant de leur jardinage, un général américain du nom de Breedlove. Puis l'inénarrable Jens Stoltenberg, le mannequin suédois dont Washington dispose les dentelles en sautoir a réaffirmé à Ankara la fermeté d'une alliance des dorures et des masques pourtant spectaculairement ternis trois jours plus tôt à Sotchi.

6 - Comment rebattre les cartes 

MM. Poutine, Lavrov et Kerry avaient officiellement mis en place une ligne de communication directe entre Washington et Moscou afin de ne s'entretenir de l'Ukraine qu'entre eux. Pour plus de sûreté, ce canal séparé a été confié aux oreilles d'une pyromane privilégiée, Mme Victoria Nuland, qui s'adresserait au vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, et au secrétaire d'Etat et vice-ministre russe des Affaires étrangères, Grigori Karassine: il fallait couper court aux initiatives éventuelles du groupe "Normandie" - donc interdire définitivement au duo agonisant de Merkel et de Hollande toute velléité de se rendre audible. Mais, cette fois-ci - et pour la première fois - il s'est révélé impossible de cacher au monde entier qu'il s'agissait d'une ultime galéjade internationale. Washington allait vainement tenter de rebattre les cartes.

Certes, même M. Steinmeyer, ministre allemand des affaires étrangères, avait docilement répété à Ankara les propos tenus une fois de plus et dans le vide par Mme Merkel à Moscou le 10 mai, à savoir que l'Europe demandait l'abandon pur et simple de la Crimée par Moscou. Trop tard, toute cette histoire était devenue une comédie de boulevard à l'usage du corps électoral européen et mondial. Mais comment, M. le Député, armerez-vous d'une souveraineté tangible des peuples caparaçonnés d'un suffrage universel illusoire si cette cotte de maille est tantôt absente, tantôt sous-instruite?

Souvenez-vous de Maurice Clavel qui, le 13 décembre 1971, avait quitté la scène avec un retentissant: "Messieurs les censeurs, bonsoir!". Athènes a joué le même scénario, mais à l'échelle internationale: "Adieu, Messieurs les ennemis de la démocratie, adieu, Messieurs les bureaucrates anonymes, le peuple fondateur de la démocratie vous dit adieu."

Il est vrai que, quelques semaines plus tôt, le pape François avait renouvelé le débarquement tonitruant du Saint-Siège de 2013 dans la politique du XXIe siècle. Dans la guerre entre le noir et le blanc, Hollywood ne fait pas le poids face au successeur de Saint Pierre. Jamais, Messieurs les censeurs de la démocratie, vous ne ferez gober à un milliard et demi de catholiques répartis sur toute la surface de la terre que le chef de leur Eglise serait un faux jeton, un gredin ou un malandrin de première force. Quand le Vatican reçoit M. Poutine en grande pompe et sous les déclics des caméras du monde entier, comment tourner sans rire les pages du livre d'images où Hollywood raconte au monde son mythe démocratique pour enfants en bas âge? A la démarche de façade des Européens, le pape a répondu : "Adieu, Messieurs les censeurs".

7 - Les Young Leaders 

Vous voyez bien, M. le Député d'une République qui se voudrait plus réelle sur la scène du monde que celle d'aujourd'hui - vous voyez bien, vous dis-je, que votre courage vous conduira nécessairement à préciser davantage les devoirs et les droits que les classes dirigeantes sont désormais appelées à exercer au sein des démocraties. Mettez donc sans trembler le doigt sur les plaies les plus saignantes dont souffre l'éducation nationale des peuples vassalisées: car la servitude cérébrale de l'Europe que vous dénoncerez sera celle des foules provisoirement subjuguées et abasourdies par le messianisme fallacieux qui cache son tartuffisme sous la chasuble de sa bureaucratie.

Quels sont les moyens techniques dont dispose l'empire administratif américain pour asservir la planète tout entière aux fonctionnaires du mythe le plus frelaté du monde, celui d'uneLiberté aux ailes autrefois prometteuses et qui avait pris son vol en 1789? Un Continent européen vassalisé par ses propres appareils d'Etat et qui s'attaquerait à la Russie au nom du drapeau déchiré brandirait l'Amérique serait un malade mental dont il s'agirait d'expliciter le diagnostic avec la précision d'un historiographe des insectes de la démocratie.

Le premier rouage psycho-biologique de la vassalité, celle d'une pathologie politique d'origine microbienne est celle dont un évangélisme de façade a huilé les rouages. L'Amérique contemporaine l'affiche jour et nuit. Elle reconnaît qu'elle sélectionne dans l'œuf les élites dirigeantes dynamiques, mais aveugles de demain. Où les dénicher, sinon au sein des coquilles vides que les grandes écoles du Vieux Monde sont devenues depuis 1945. (La dictature de l'empire américain "Young Leaders" - Comment secouer ce joug? 19 décembre 2014. Chaque année, les séminaristes les plus doués se voient invités aux Etats-Unis pour une année entière afin qu'ils y apprennent gentiment la langue du souverain et s'initient à ses méthodes messianisées de gouvernement et à la tournure de ses moules cérébraux.

Vous savez que la plupart des dirigeants européens d'aujourd'hui, tant au sein de votre propre parti qu'au cœur du parti socialiste ont bénéficié dans leur jeunesse dorée du titre de Young Leaderspurgés et purifiés à l'école de l' immense monastère du mythe démocratique qui s'appelle l'Amérique et que ces catéchistes d'un messianisme demeurent ensuite les inoculés à vie d'un aveuglement conquérant, tellement le bacille d'une liberté asservie au ciel de son souverain se veut immortel. Il faut savoir que l'Amérique d'un évangile troué se prend pour un titanesque couvent de la démocratie mondiale. A la sortie de ce temple planétaire du mythe de la Liberté, vous écouterez pieusement le chef d'orchestre qui dirigera la partition en redingote.

Parmi les futurs candidats à la présidence de la République française, vous ne sauriez laisser ignorer au peuple, que, dans leurs jeunesse, M. Alain Juppé, M. Bruno Lemaire ou Mme Koszciuszko-Morizet se sont fait inoculer le virus des Young leaders. Du reste, M. Juppé reçoit chaque année les Young Leaders joyeusement recrutés dans l'année par les responsables de l'ambassade des Etats-Unis à Paris. C'est à ce titre que cet otage d'un venin dont on ne guérit jamais obéit subrepticement à la dictature de Washington quand il refuse, tout tremblant, de livrer les Mistral à la Russie. Vous n'imaginez pas qu'un ancien Young leader remettrait à une nation censée ennemie de l'Amérique des engins de guerre construits en France! Un Young leader est un conventuel du mythe démocratique et, dans l'ordre politique, un "agent dormant " de l'empire.

8 - L'exemple de Bernard Guetta

Un exemple non moins éloquent de la vassalisation parareligieuse de l'Europe est celui du journaliste bien connu, et Young Leader, lui aussi, Bernard Guetta. Voici un commentateur quasiment paradigmatique de la politique étrangère de la France conventuelle. Depuis plus de deux décennies, ce professionnel chevronné ne cessait de démontrer avec autorité aux auditeurs de France Inter le drame de la domestication effrénée dans laquelle se rue un continent européen catéchisé par le mythe de la Liberté américaine. Le premier, il avait expliqué brillamment au vaste public des fidèles qui se mettent chaque jour à l'écoute de sa chronique radiophonique matinale que l'asservissement continu et inexorable de notre civilisation à la "voix de l'Amérique" remontait au plan Marshall de 1947 et que la vassalisation des journaux français avait suivi le même cheminement affligeant que celui de l'élite politique de rang moyen du pays. Seule en Europe, disait-il avec autorité, la presse italienne sauvait encore quelque peu l'honneur d'un journalisme européen indépendant: le Corriere de la Serra, laStampa et la Reppublica se présentaient en héros agonisants du siècle de Zola et de Victor Hugo.

Mais il ne suffit pas de défendre l'éthique moribonde d'une corporation demeurée illustre aux yeux d'un public berné pour porter, de surcroît, un regard avisé sur la scène internationale d'aujourd'hui. Le 20 mai 2015, ce commentateur de la fatalité de notre dépérissement adopte tout subitement le ton et l'argumentation de la propagande la plus plate et la plus usée du département d'Etat américain: il fallait, disait un Bernard Guetta méconnaissable, tenter de faire obstacle à une "nuisance" née comme champignons après la pluie, et surtout éviter de tomber dans le piège de placer la Russie sur un pied d'égalité avec les démocraties "authentiques" - c'est-à-dire celles qui se montrent soumises à leur vassalisateur. Et de dicter, en maître des néophytes et donc en apôtre d'un empire réputé vertueux, quatre conditions au vassal russe à tenir en laisse d'une main ferme.

Comment expliquer le calibre d'une volte-face du Beau, du Juste et du Bien aussi spectaculaire, sinon du fait qu'un Young Leader se trouve catéchisé à vie? Mais ne croyez pas un instant que M. Bernard Guetta serait le rêveur supra nationaliste dont il ne cesse d'afficher le blason; quand ce Porthos des nues de la géopolitique reproche aux Etats européens de s'opposer à une Commission bruxelloise pourtant vaporisée à souhait et fervente d'une Europe flottante dans les plus hautes régions de l'atmosphère, ne soyez pas dupe des floralies de l'abstrait dont la bête parlante se fait un bouclier et une carapace.

9 - la psychophysiologie des valets

Il faudra bien que l'histoire bon teint de l'Occident superficiel découvre que les grands mystiques étaient des psychanalystes abyssaux et qu'ils avaient découvert l'ultime secret de la parole humaine quand ils faisaient, du silence, la première règle de la vie conventuelle. Ces anthropologues avant la lettre enracinaient le langage dans les entrailles de l'histoire et de la politique de l'animal parlant. M. Guetta sait pertinemment que l'Amérique terrestre, elle, use du langage masqué des Etats en chair et en os et que la démocratie est un écusson dont l'acier trempé sert d'armure à l'expansion mentale d'un empire .

Ne croyez pas un instant à l'innocence religieuse et à la candeur érémitique de M. Guetta quand cet anachorète de la politique semble faire fi de toutes les patries plantées sur leurs jambes. Ce théoricien des démocraties nuageuses n'ignore en rien qu'aucune autorité sinon celle de l'Etat le plus puissant du moment a contraint physiquement le Vieux Monde à courber l'échine et à promulguer des sanctions économiques suicidaires pour lui-même à l'égard de la Russie. Cet homme-là sait aussi bien que le premier trappiste venu que la solidarité des Etats musculaires de l'Europe dans l'affichage de leur dépendance physique à l'égard de Washington est toute vocale et donne la réplique à celle des valets de pied, dont les fiertés feintes grimacent de décisions dictées aux laquais par le maître dont la grande ombre se dresse dans leur dos.

Voyez comme ce domestique bien harnaché ne cille jamais devant l'autorité qu'il tient pour légitime en raison de la seule puissance de sa musculature et qui lui fait connaître ses directives à l'aune d'une charpente vigoureuse. Toute la maisonnée européenne tente seulement de sauver la face de ses pitres et de ses paltoquets, et cela précisément par l'affichage d'une apparence de dignité. Mais les ânonnements de la servitude ne trompent personne dans le monastère des anthropologues du mutisme politique. Seule la pleutrerie est payante face à un souverain dont on n'ose contester l'autorité massive de son ossature.

Vous savez, M. le Député, que M. Guetta est un théoricien des montgolfières verbales de la démocratie idéalisée, donc théologisée par son concept, mais qu'il a suffisamment la tête sur les épaules pour savoir mieux que personne que seuls des Etats solidement charpentés font la poutraison du monde, parce que la politique est la musculature de la bête. Il n'appartient qu'aux Bernardin de Saint-Pierre ou aux Jean-Jacques Rousseau de la politique internationale de faire monter dans les airs les bulles de savon des anges du supra-nationalisme.

10 - Demain, le patriotisme 

M. le Député, c'est en annonciateur d'une France en attente de ses retrouvailles avec sa souveraineté que vous combattez avec le chaos actuel de la politique internationale. Par bonheur, vous descendez dans l'arène à l'heure où de nombreuses nations redécouvrent la source vive de leur histoire et cela à la faveur même, si je puis dire, de leur humiliation quotidienne. Le berceau de leur identité s'appelle le patriotisme. Quand M. Giscard d'Estain dit à Moscou que la Commission de Bruxelles "n'est pas réellement indépendante", il emboite le pas à tous les anciens chanceliers d'Allemagne.

Mais puisque le suffrage universel est devenu, par un abus de langage, le seul souverain devant lequel s'inclinent encore, du moins en principe, les Etats qualifiés de démocratiques, alors que, dans le même temps, il n'est pas de trône plus nominal que celui de l'abstrait, scierez-vous les barreaux de la cage des décadences et demanderez-vous à la Vè République de s'expliquer à haute et intelligible voix sur la véritable nature du mythe de la Liberté? Car Washington se voit contraint de faire monter en première ligne ses fantassins d'une servitude habillée en démocratie quand il ose demander tout de go à la France des fils de 1789 de recourir dare-dare au sabordage des Mistral en haute mer ou dans le port de Saint-Nazaire. Que répond la France des toutous de l'Amérique? Pourquoi tremble-t-elle de les livrer à la Russie?

Soixante-dix ans ont passé depuis le 27 novembre 1942, date du suicide des restes de la marine de guerre française réfugiée en catastrope à Toulon au lendemain de la capitulation de la République du 21 juin 1940. C'était à l'Allemagne victorieuse, donc légitimée par la force du glaive aux yeux du droit de la guerre de l'époque - lequel validait le triomphe des armes sur le champ de bataille. Cétait à Hitler que Vichy refusait tout net de livrer ses ultimes forces navales. Mais, en 1942, celles-ci n'étaient déjà rien de plus que les rescapées d'un second Trafalgar - celui du bombardement, par Winston Churchill, du gros de nos cuirassés et de nos torpilleurs à Mers el Kébir les 3 et 6 juillet 1940. Ce détail, si je puis dire, allait compliquer la tâche des historiens de la seconde guerre mondiale, parce que Mers el Kébir nous avait coûté le massacre de mille deux cent quatre-vingt dix neuf de nos matelots sous les bombes de nos amis et alliés britanniques.

A l'époque, Londres avait aussitôt tenté de faire porter le sceau de ce sabordage au malheureux commandant de notre flotte: ce marin avait refusé l'infamie d'une auto-flétrissure supplémentaire et de forte taille, celle de livrer les marins rescapés de Mers el Kébir au mandataire même de la tuerie de nos marins sans défense et à son célèbre cigare.

Cette fois-ci, nous ne nous tromperons pas de déshonneur. Ce sera la France à nouveau souveraine, la France des retrouvailles de la nation avec le régime républicain, la France fière de brandir à nouveau le drapeau de la Démocratie et de la Liberté sur les cinq continents, ce sera cette France-là, M. le Député, qui portera la flétrissure de couler purement et simplement les Mistral plutôt que de les livrer à la Russie.

A moins que Washington vienne nous bombarder à Saint-Nazaire et que M. Obama se substitue à Winston Churchill dans cet office. Vous connaissez la chanson du "petit navire" - "On tira za la courte paille, on tira za la courte paille, Pour savoir qui, qui, qui sera mangé… ". M. le Député, les cicatrices de la vassalité ne se referment jamais. Comment guérir de la plaie de se déshonorer si ce sera par obéissance à son maître que la nation de Surcouf aura perdu sa dignité sur la scène internationale?

11 - L'humiliation de la France 

M. le Député, dites-nous combien d'âmes seront massacrées à Saint-Nazaire ou au large de nos côtes, dites-nous combien de fiertés ne se remettront jamais de leur humiliation? Le Mers el Kébir de la France d'aujourd'hui est en couveuse à Saint-Nazaire. Mais, cette fois-ci, ce seront les bouches à feu de notre auto-vassalisation dans l'arène de notre Liberté censée retrouvée en 1945 qui nous canonneront nous-mêmes.

Dites également au peuple des toutous quelles sont les raisons vichyssoises réputées légitimer le placement de force du Président Poutine dans la postérité de Hitler. Croyez-vous vraiment, M. le Député, que l'histoire de la domestication de la France et du monde demeurera cachée aux anthropologues du mythe parareligieux de la Liberté? Vous avez posé au monde la question la plus sacrilège, celle de savoir ce qu'il demeura permis et ce qu'il sera désormais interdit aux Républiques pensantes, donc iconoclastes, de faire entendre aux oreilles du vaste corps électoral d'un demi-milliard de vassaux européens de l'Amérique.

C'est dire que jamais un député dont toute l'action publique se réclame de la dignité politique d'une France à redresser ne sollicitera l'indulgence de ses concitoyens s'il venait à renoncer à sa vocation intellectuelle. Armez votre parti d'une pensée politique à la hauteur du monde d'aujourd'hui. Ne laissez pas une puissance étrangère mettre notre patrie dans la cage aux fauves d'un empire étranger. La parole d'un représentant du suffrage universel doit dénoncer les chaînes de la servitude cérébrale de son temps. Votre fonction et votre mission font de vous un transformateur permanent de l'esprit public. A vous seul de comparaître à la barre du Tribunal de la France, à vous seul de répondre au juge de votre vocation, à vous seul d'élever la pensée au rang de seul véritable souverain de la France.

La semaine prochaine, je tenterai d'observer le halètement du droit international dans l'abîme de la servitude atlantiste.

Note 2: La pensée rationnelle serait-elle de retour ? 

Ce début de juillet 2015 est à marquer d'une pierre blanche et d'une pierre noire. D'une pierre blanche d'abord : il semble qu'après un siècle et demi d'une cécité, d'une surdité et d'un mutisme stupides, mais jugés rentables, l'édition française ait fini par découvrir que le retour massif des croyances apeurées du Moyen-Age exprime le naufrage du siècle des Lumières et que cette tragédie cérébrale pose à la politique et à la science historique rationnelles la question la plus angoissante de ce siècle. M. Jean-Claude Carrière, scénariste et écrivain bien connu, vient de publier aux Editions Odile Jacob un ouvrage sur la question à laquelle il travaillait dans un silence éloquent depuis plus de cinq ans et intitulé Croyance.

Mais, dans cet ouvrage, il juge fort intelligible qu'on tue quelqu'un pour lui voler son portefeuille ou sa maîtresse, mais qu'il est ahurissant et incompréhensible qu'on le tue pour des motifs religieux qu'il juge impalpables. Et il estime énigmatique qu'un chef de l'Etat islamique, Abou Bakr al-Baghdadi, ait pu dire: "S'ils ne veulent pas se convertir à la vraie religion, nous n'avons d'autre choix que de les égorger ou de les décapiter".

L'extrême abasourdissement de M. Carrière fera comprendre aux lecteurs de ce site que, ce début de juillet 2015 soit également à marquer d'une pierre noire. Car cette stupéfaction intellectualisée est également la preuve qu'aucune explication de la fureur meurtrière des religions, sitôt que vous les prenez au sérieux, ne sera possible aussi longtemps que l'anthropologie moderne refusera tout net de seulement se demander ce que les fanatiques défendent avec leurs couteaux et ce qui s'est rendu plus précieux à leur ignorance que leur magot ou la femme du voisin. C'est qu'on leur arrache les entrailles à les priver d'une connaissance fantasmagorique des origines de l'univers et de la signification délirante, mais apaisante ou terrifiante du destin qu'ils s'imaginent espérer ou craindre à titre posthume s'ils ont obéi ou désobéi à un chef fantastique et à un guide vertigineux du cosmos.

Or, ni l'édition mondiale de masse, ni aucun de nos intellectuels timides, craintifs ou dévots d'une pseudo démocratie n'osent aborder la question de fond qui s'impose désormais aux anthropologues On s'ingénie à oublier la phrase torturante de Voltaire: "Je suis clair parce que je suis peu profond". Nous savons maintenant que la profondeur d'esprit donne rendez-vous à la lucidité et la lucidité au tragique de la condition humaine. C'est cette évidence que les petits rationalistes de leur médiocrité jugent terrifiante.

Je demande à mes lecteurs de persévérer dans leur courage inversé, et de continuer de dormir sans effroi et sur leurs deux oreilles, mais de demeurer jour et nuit à l'écoute de la vaillance des sentinelles de leur sérénité et de la vigilance de la pensée critique mondiale. Depuis cent soixante dix mois, ils s'initient sur ce site à l'intrépidité d'une pensée critique mise à l'école de la postérité vivante de Platon, de Darwin et de Freud.

Une conscience aigue de leur solitude dans le vide de l'immensité les attend. Qu'ils s'élèvent à la hauteur spirituelle d'un XXIe siècle ascensionnel. Alors, à l'instar du Dieu dont nous avions dressé la statue dans notre dos, nous nous dirons que ce géant de nos songes n'avait personne dont l'effigie se serait dressée derrière lui. Et nous saurons que le vrai Dieu, c'est nous, puisque nous non plus, nous n'avons ni interlocuteur, ni garde-chiourme campé dans l'infini. 

Le 3 juillet 2015