L'Europe et la question chrétienne

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Notre ami Pierre Manent publie cet automne un ouvrage important, Pascal et la proposition chrétienne, aux éditions Grasset. Il a bien voulu confier à nos lecteurs son introduction qui pose, comme on le verra, une question dramatique et angoissante. Nous l'en remercions bien vivement.

COMMENTAIRE

La perplexité et le doute qui marquent toujours plus profondément la conscience de soi des Européens – qui sommes-nous ? – tiennent pour une large part, il me semble, à une cause qui n'est pour ainsi dire jamais mentionnée : les Européens ne savent que penser ni que faire du christianisme. Ils en ont perdu l'intelligence et l'usage. Ils ne veulent plus en entendre parler. Or, comme Israël s'est formé dans l'Alliance et la querelle amoureuse avec son Dieu, la dynamique de l'histoire européenne s'est déployée dans une confrontation incessante entre d'un côté l'attrait de la force, le désir de la gloire, l'affirmation de la volonté et de la liberté humaines, et de l'autre l'accueil, hésitant ou fervent, de la condescendance aimante du Dieu-fait-homme, le choix, suspendu à l'aide d'en-haut, d'une vie d'obéissance filiale au Père commun. Jamais ailleurs qu'en Europe la liberté humaine n'a été exposée à une telle amplitude des possibles, la volonté humaine à une alternative d'une telle profondeur. La nature humaine et la proposition chrétienne y nouèrent un lien fait d'ardente adhésion et de rejet passionné, de familiarité confiante et d'âpre inimitié, un lien dont la tension et la durée forgèrent l'arc et l'arête de l'esprit européen. L'effort humain y eut toujours à répondre à la proposition chrétienne, par l'accueil ou le refus – par tous les mouvements de l'âme à la discrétion de notre mystérieuse liberté. C'est une histoire aux péripéties infinies dans laquelle chaque individu, chaque groupe, chaque génération, chaque nation rencontre l'enjeu qui surpasse tout autre enjeu : la possibilité du Dieu ami des hommes.

 

L'Europe a décidé d'ignorer cette histoire

Depuis peu cependant, l'Europe a décidé d'ignorer cette histoire, de déclarer forclose cette possibilité. Elle a décidé de naître à nouveau. À nouvelle naissance nouveau baptême, ce sera un baptême d'effacement. Elle le déclare publiquement, elle le prouve par ses actions : l'Europe n'est pas chrétienne, elle ne veut pas l'être. Elle veut bien être autre chose, elle est entièrement ouverte à toutes les autres possibilités, elle veut bien même n'être rien, n'être que le possible de tous les possibles, mais elle ne veut pas être chrétienne.

Aucune nécessité, aucune utilité, aucune convenance ne conduisait à cette décision qui fut prise en toute liberté, et, oserais-je dire, pour le plaisir de la prendre. Pour entrer dans le sujet et l'enjeu de ce livre, je voudrais considérer sinon les motifs de cette décision – les motifs ultimes des actes libres nous échappent –, du moins ses préliminaires, les développements qui ont conduit à cette étrange situation d'un continent devenu étranger et pour ainsi dire imperméable à sa religion historique, et conséquemment incapable de se rapporter judicieusement aux autres religions qu'il accepte de recevoir, le plus souvent avec faveur, au motif que du moins elles ne sont pas chrétiennes. L'opinion qui gouverne l'Europe est installée dans une inintelligence tranquille de la question religieuse, qui est, rappelons-le, la question de Dieu, et non pas celle des « opinions » religieuses, portion indéfinie de la masse informe des « opinions humaines ». Elle ne considère la question de Dieu que pour la tenir à distance. Elle n'y touche que pour n'en être pas touchée.

 

L'originalité et l'unicité de la religion chrétienne

On ne peut saisir la situation présente ni le mouvement historique qui y a conduit sans prendre une vue un peu nette de certaines spécificités, ou plutôt de l'originalité et de l'unicité de la religion chrétienne. C'est la seule religion qui, selon la forme qu'elle a maintenue continûment à travers les siècles, soit entièrement indépendante de toute association humaine – peuple, cité, empire – préalablement existante. Avec le christianisme apparaissent ensemble une parole radicalement nouvelle, une action radicalement nouvelle, et un lien radicalement nouveau entre la parole et l'action. Pour lier cette parole inédite et cette action inédite, pour les lier plus étroitement que parole et action n'ont jamais été liées, une association humaine inédite : l'Église. Il n'y a pas en effet de « christianisme » sans Église chrétienne. Cette association, à laquelle foi, espérance et charité donnent la vie et l'être, réclame pour accomplir sa mission une parole joignant la plus grande simplicité à la plus grande précision puisqu'elle est chargée de porter la Parole de Dieu à tous les hommes. En particulier, l'annonce de l'Incarnation – « Et homo factus est » – exige une détermination parfaitement nette et délicate des relations entre les trois Personnes de la Trinité et entre les deux natures – humaine et divine – du Fils. D'où cette attention extrême à l'exactitude doctrinale – à l'orthodoxie et donc à son opposé, l'hérésie – qui caractérise la religion chrétienne, avec des effets qui, dans l'histoire, ont pu aller à l'encontre de l'intention en assujettissant la vie chrétienne à une surveillance doctrinale stérilisante.

En tout cas, pour la première et la seule fois dans l'histoire de l'humanité, les sociétés politiques – l'animal social et politique – ont vu surgir en leur sein une Parole définissant brièvement et précisément tout ce qu'il importe à l'homme de savoir et de vouloir pour parvenir à Dieu, une Parole exhaustive, qui dit le Commencement et la Fin, élaborée et administrée par une institution exclusivement dévouée à cette Parole, et formant pour cela une « société parfaite », c'est-à-dire complète. Cette Parole et la société qui la sert – l'Église – surgissent et se déploient dans une indépendance entière et impérieusement revendiquée par rapport à la société politique. Assurément l'élaboration du dogme n'a pas échappé à l'intervention des autorités politiques, et d'abord de l'empereur romain, mais la victoire sur l'arianisme, qui avait la faveur de la Cour de Constantinople et de nombre de princes et de peuples, et l'affermissement de l'orthodoxie de Nicée-Chalcédoine attestent qu'une Parole absolument indépendante de toute parole et volonté politiques put acquérir, dans l'espace public du monde que pour cela même on doit dire chrétien, une autorité dont on ne rencontre pas ailleurs l'analogue.

Comme on sait, cette autorité accordée à la Parole entraîna dans son sillage la revendication par l'Église d'une autorité de commandement sur les princes et les peuples, revendication qu'on se hâtera d'attribuer à un désir désordonné de domination, mais qui découlait aussi de la mission même de l'Église, impraticable si celle-ci n'avait pas le pouvoir de mettre sous les yeux de tous les hommes qu'elle pouvait toucher l'urgence et les conditions du salut. Ce fut en tout cas une question axiale de l'histoire politique, morale et spirituelle de l'Europe que le statut de cette autorité à tous égards extraordinaire, une question qui, selon les divers protagonistes concernés, incluait, avec la manière d'administrer cette autorité, celle de la limiter, ou même de la soumettre. Nous ne nous interrogeons plus sur cette question, sur le sens et les limites de l'autorité revendiquée par l'Église, parce que nous sommes convaincus non pas de l'avoir résolue, mais d'avoir trouvé le moyen de faire qu'elle ne se pose plus. Ce moyen, c'est bien sûr la séparation du politique et du religieux, qui réserve au politique le monopole de la loi qui commande à tous, et laisse à l'Église la liberté d'instruire la foi des fidèles et d'administrer les rites et sacrements qui définissent pour elle la vie chrétienne. On n'a pas tort de souligner les mérites de ce dispositif, mais la célébration devenue mécanique de la laïcité empêche de percevoir l'état réel des relations entre l'institution politique et l'Église, ou d'ailleurs l'ensemble des confessions chrétiennes, dans notre pays.

 

Séparation ?

Il n'y a plus aujourd'hui à proprement parler de « séparation » puisque l'État a attiré à lui toute l'autorité, plus précisément puisqu'il a imposé qu'il n'y ait plus d'autre autorité que son propre commandement, en pratique celui de l'ensemble des institutions et juridictions qui forment l'État. Cela se traduit par la proposition devenue dogme selon laquelle parmi nous « la loi de la République est supérieure à la loi religieuse ». Seule l'aversion générale pour la religion et l'obscurcissement de l'entendement qui en est la conséquence empêchent l'opinion gouvernante de voir que cette thèse contredit directement la possibilité même de la séparation, cœur de la laïcité. L'État ne peut pas être à la fois réellement supérieur et réellement séparé. Il est vrai que la loi politique a cette spécificité, cette supériorité si l'on y tient, d'être la loi commune, celle qui s'applique à tous les citoyens et à laquelle tous les citoyens sont tenus d'obéir. Mais ce caractère n'enveloppe évidemment aucune supériorité de valeur ou de dignité. Le chrétien a l'obligation d'être un « bon citoyen », mais celle-ci n'est pas plus impérative à ses yeux que celle d'être un « bon chrétien ». Si l'opinion gouvernante est aveugle à ces humbles vérités, c'est sans doute qu'elle a perdu tout respect et connaissance de la chose religieuse, ou peut-être aussi que l'institution religieuse est devenue incapable d'expliquer ce qu'elle est et d'en obtenir le respect.

 

L'État souverain

Aussi vif que soit le désir des Européens de sortir de l'histoire de l'Europe et de naître à une vie nouvelle innocente de tout mal, ils ne peuvent échapper à la ligne de force qui s'est formée autour de la proposition chrétienne. Aussi affaibli que soit le christianisme en Europe, nous vivons toujours des suites d'une décision politique et spirituelle prise alors qu'il était dans sa force. Cette décision, longtemps cherchée, cristallisa au mitan du xviie siècle. Les « guerres de Religion », inséparablement civiles et extérieures, causées par la fragmentation de l'autorité religieuse consécutive à la Réforme, et qui, sous une forme ou une autre, désolèrent une grande partie de l'Europe pendant plus d'un siècle, jointes à l'incapacité des pouvoirs traditionnels de rétablir durablement la paix civile, fournirent la cause ou donnèrent l'occasion d'un geste inouï, et qui garde son mystère, à savoir la conception et la progressive mise en œuvre de l'État souverain.

Le Souverain moderne n'est pas le successeur des princes, rois ou empereurs de jadis, il n'en est pas la forme « rationalisée ». L'empereur était le seul ou l'unique – l'Un concret qui se chargeait du commandement de tous, et qui travaillait naturellement à étendre le domaine de son commandement. Le Souverain dont nous parlons est un tout autre animal. Il n'appartient pas vraiment à l'ordre politique. Il résulte d'une opération qui n'est pas proprement politique si elle eut d'immenses conséquences politiques. Une opération, une production inséparablement intellectuelle et spirituelle à laquelle l'entendement et la volonté ont également participé. On conçut un lieu abstrait du pouvoir, un lieu arraché aux passions et opinions humaines, siège d'un pouvoir supérieur à toutes les supériorités sociales. Ce lieu du pouvoir serait occupé par la volonté des sociétaires réunis, ou par leurs représentants. Ce qui caractérise le pouvoir du Souverain, ce n'est pas qu'il soit immense ou même illimité, c'est qu'il soit conçu et voulu tel, conçu et voulu pour être sans limite. Telle fut la volonté nationale au moment de la Révolution, telle est aujourd'hui la loi de la République, à laquelle rien ne peut être opposé. Si cette dernière proposition semble excessive ou exagérée, que l'on considère avec quelle facilité les législatures de l'Europe et des prolongements américains de l'Europe ont bouleversé parmi nous les règles de la filiation, règles parmi les plus fondamentales de la vie humaine et les plus continûment reçues en Europe, et avec quelle légèreté elles ont effacé les repères les plus universels de l'expérience humaine, ceux qui permettent d'articuler l'une à l'autre la différence des sexes et celle des générations.

 

L'État neutre

Nos législateurs, il est vrai – on l'accordera sans peine –, sont très éloignés de vouloir nous tyranniser. Au contraire, à les écouter, ils ne font qu'obéir… À quoi ? Au mouvement des idées et des sentiments, au progrès de la conscience humaine, à l'évidence des valeurs de liberté et d'égalité ! Ils ne font que poursuivre en effet le long effort qui s'est pour ainsi dire incorporé à l'État moderne. Ils ne font qu'exercer la souveraineté élaborée par nos aïeux afin que le monde humain soit entièrement soumis à la volonté humaine, et que l'autorité de l'Église, et par extension celle de toute institution sociale, soit ainsi radicalement abaissée : elle ne doit s'exercer qu'aux conditions posées par le Souverain. La forme de la souveraineté, la nature de son illimitation sont étroitement dépendantes de la finalité qu'elle devait servir, et qui est donc l'assujettissement, en tout cas la limitation radicale de l'autorité ecclésiale.

Les disputes religieuses portaient en particulier sur le sens à donner à certaines phrases – « Tu es Pierre (…) » –, à certains mots des évangiles, par exemple au pronom monosyllabique « hoc » : que d'encre et de sang furent versés pour déterminer ce que Jésus avait voulu désigner par ces mots : « Hoc est corpus meum » ! Quel homme, quelle association d'hommes était capable d'arbitrer la dispute entre les chrétiens qui se déchiraient ? Quel homme pouvait dire avec assurance ce que Dieu avait voulu dire ? Le Souverain ne put arbitrer la dispute qu'en se déclarant supérieur à la dispute, et la seule façon d'être supérieur à la dispute était d'être indifférent aux termes de la dispute. Indifférent, ou, comme on dirait plus tard, neutre, ou encore agnostique. Ainsi s'installa au-dessus des sujets ou citoyens européens partagés en classes et nations, en confessions religieuses et partis politiques, l'instance de l'État neutre et agnostique qui, au terme d'un parcours de quatre siècles, achève aujourd'hui d'attirer à soi toute l'autorité, étant à la fois l'État gardien de l'ordre extérieur et l'Église gardienne des « valeurs ».

Vous concédez, dira-t-on, que la neutralité de l'État implique sa supériorité. Cette « supériorité » a un sens fort différent selon que la République impose la séparation à l'Église, comme ce fut le cas en France avec les lois de laïcité, ou qu'elle impose une réforme morale permanente de la vie sociale comme c'est le cas parmi nous aujourd'hui.

De fait, dans la dernière période, la neutralité de l'État s'est étendue, son projet de neutralisation s'est étendu à la société elle-même, à toutes les institutions fondées sur une certaine « idée du bien ». Si les chrétiens étaient divisés en raison d'interprétations différentes des Écritures, les sociétaires en général ne se font-ils pas des idées incompatibles du bien ? Les « idées du bien » ne ressemblent-elles pas dangereusement à des dogmes religieux ? L'idée de la « famille traditionnelle » par exemple n'est-elle pas aussi « particulière » finalement qu'une idée religieuse – embrassée avec ferveur par certains mais qui ne saurait être imposée aux autres ? D'ailleurs, toutes ces idées du bien inscrites dans des institutions, qu'elles se revendiquent de la « tradition » ou de la « nature », ne sont-elles pas intimement associées à la religion chrétienne qui, si elle ne les a pas créées, a contribué à leur donner forme, à les consolider et à les faire durer en les accompagnant de sa « bénédiction » ? Loin d'être achevée par les lois garantissant sa laïcité, la tâche qui est devant l'État neutre et agnostique reste immense. Ce ne sont pas seulement les religions, ce sont toutes les institutions et formes sociales revendiquant un bien humain que l'État doit considérer de son regard indifférent ou aveugle : elles ne sauraient plus rien commander à leurs membres individuels, qui inversement ont le droit de définir et réformer ces institutions et formes sociales à leur guise, souverainement. La religion chrétienne proposait à tout être humain de participer à la vie même de Dieu en nouant sa volonté à la volonté de Dieu. Alors que les gouvernants traditionnels commandaient aux sociétaires en commandant à leurs supérieurs sociaux, et d'abord aux « chefs de famille », l'État neutre alla chercher chaque sociétaire jusque dans l'intimité de sa volonté, afin qu'il consente à lui obéir avant de donner sa foi et d'obéir éventuellement à l'Église, et qu'ainsi la première action de la volonté humaine soit pour l'État et non pour Dieu. Il étend aujourd'hui cette opération à toutes les adhésions possibles de la volonté humaine : que celle-ci adhère d'abord à l'État qui interdit à toute association de prétendre à un droit sur la volonté de l'individu au nom du bien dont elle serait le véhicule ! L'Église se conçoit comme la réunion des volontés humaines adhérant par la foi, l'espérance et la charité à la volonté aimante et transformante de Dieu. Aujourd'hui, dans les pays de vieille chrétienté, l'État se conçoit et se veut comme la réunion des volontés humaines, mais de volontés n'adhérant réellement qu'à elles-mêmes puisqu'elles peuvent à tout instant se rétracter, et ne considèrent leurs adhésions que comme l'exercice d'un droit et non l'assentiment à un bien. L'État désormais pourrait se définir comme l'Église des volontés humaines séparées – séparées les unes des autres et séparées de tout bien.

Ainsi, alors même qu'il est de plus en plus repoussé à la périphérie de la vie européenne, le christianisme continue d'en être le centre toujours agissant : à mesure qu'il s'affaiblit, il y exerce, dirait-on, une force répulsive croissante. Nous sommes pour ainsi dire gouvernés par ce que nous fuyons. Il est difficile d'imaginer une situation plus dommageable à la connaissance de soi et des autres, comme à la sincérité des engagements collectifs ou individuels. Nous ne voulons plus rien savoir de cette proposition inouïe faite à l'humanité, une proposition dont nous croyons avoir depuis longtemps fait le tour et que nous tenons à une distance que l'on ne dira pas respectueuse. Nous sommes devenus supérieurement indifférents à nous-ne-savons-plus-quoi. Ayant séparé, par motif de conscience et commandement de la loi, l'Objet, je veux dire Dieu – Dieu du moins comme possibilité –, du reste de notre vie, de tout le reste, ayant interdit qu'il puisse encore être Objet du débat, matière de l'échange public, affaire d'intérêt commun, nous nous sommes rendus incapables d'aborder sérieusement la question la plus haute et la plus urgente que l'animal rationnel puisse se poser, nous l'avons laissée pour ainsi dire dépérir entre nos mains faibles et timides, et désormais honteuses. Cette inertie n'affecte pas seulement ceux qui ont tourné le dos au christianisme, elle est partagée en quelque mesure par ceux qui lui sont encore attachés, tant il est difficile de se rapporter hardiment à ce que la loi et l'opinion ont écarté de la considération publique. Comment reprendre en vue l'Objet que nous avons repoussé ou laissé échapper à notre attention ? Comment ressaisir la Question ? Comment en ressaisir l'unité et la vie, le sens et l'urgence ?

 

Pascal a reformulé la proposition chrétienne

C'est à peu près au mitan du xviie siècle, je le disais, que la grande, l'énigmatique décision a été prise, la décision de construire le Souverain, l'État souverain. C'est à ce moment même et dans cette conjoncture que fut repensée et reformulée par Blaise Pascal, sous une forme fragmentée et inachevée mais singulièrement puissante, ce que j'appelle la proposition chrétienne, entendant par là l'ensemble lié des dogmes ou mystères chrétiens, en tant qu'ils sont offerts à la considération de notre entendement et au consentement de notre volonté, et qu'ils entraînent une forme de vie spécifique. « Proposition » ici n'a pas seulement un sens logique ou notionnel, le mot a un sens pratique et actif, il s'agit de l'acte de proposer, un acte dont l'auteur premier et principal est Dieu dans son Église.