Edwy Plenel

Auteur de l'oeuvre: 
Laurent Huberson

Lu pour vous

 

EDWY  PLENEL

Par Laurent Huberson, Plon, Paris, août 2018.

 

Il est sans doute difficile de trouver un seul citoyen vivant à la Martinique et intéressé par la vie politique en France prêt à déclarer qu’il ignore l’existence de Médiapart, ce magazine en ligne dirigé par Edwy Plenel.

Quand Laurent Huberson signe chez Plon « Edwy Plenel, coups, intrigues, réseaux : enquête sur un journaliste controversé », c’est avec gourmandise que l’on se plonge   dans le livre espérant mieux comprendre l’extraordinaire ascension dans le champ journalistique français de cet homme né en 1952, bien connu dans les milieux de la gauche et de l’extrême gauche martiniquaise.

Parvenu à la page 128 du livre qui en compte 425, le lecteur martiniquais se dit : « ce Laurent Huberson n’est pas sérieux. Pas la peine d’aller plus loin. ».

Evoquant les tribulations du père d’Edwy Plenel, Alain Plenel Vice-Recteur à la Martinique lors des échauffourées de décembre 1959 à Fort-de-France, Huberson « écrit : « Le 20 décembre 1959, à la suite d’une dispute entre martiniquais et métropolitains, de violentes émeutes éclatent à Fort-de-France. Trois jours d’affrontement entre CRS et manifestants pour la plupart revendiquant l’indépendance de l’île sur fon de misère sociale. La répression policière sera brutale : trois jeunes tués.

Alain Plenel est bouleversé. Ses sympathies pour les manifestants le placent dans le collimateur des Renseignements généraux. Le clash se produit lorsque, après les émeutes, il propose de baptiser une école primaire du nom de l’un des collégiens tombés. Dans son discours, il réclame la clémence pour les indépendantistes incarcérés. ».

Invraisemblable ! Comment écrire des vannes de la sorte en 2018 ?

Mais curieux de savoir comment un militant d’extrême gauche est parvenu à occuper une place éminente dans un journal prestigieux comme Le Monde, puis de faire vivre sans publicité aucune un site remarquable comme Médiapart, ce lecteur se rend compte qu’il aurait commis une grossière erreur.

En effet, dans ce livre on comprend mieux ce qu’il faut entendre par des expressions comme militant, combattant, citoyen, démocrate.

On comprend surtout, qu’une démocratie moderne, pour vivre à besoin, selon Plenel d’un pouvoir journalistique, à côté des pouvoirs juridique, législatif et exécutif.

Huberson écrit page 402 : « Le journaliste a, selon le fondateur de Médiapart, pour mission de faire vivre la démocratie comme étant le régime du peuple, de tous, de n’importe qui, et donc de lui donner les moyens de ne pas être supplanté par les « élites du pouvoir, de l’avoir et du savoir »

Le peuple a le « droit de savoir ». Il a besoin d’une information indépendante

Plenel croit en la souveraineté du peuple. Ses références sont en l’occurrence Jacques Rancière et John Dewey. Mais aussi Victor Hugo qui dit que « La souveraineté du peuple se manifeste sous deux formes : d’une main elle écrit, c’est la liberté de la presse. De l’autre, elle vote, c’est le suffrage universel ».

Si Edwy Plenel n’était pas un militant extrêmement pugnace, courageux, des zèbres comme Cahuzac, spécialiste de la fraude fiscale, serait encore en train de piller l’Etat français ; personne ne s’interrogerait sur les accointances entre Sarkozy et Kadafi et donc sur les causes réelles de la guerre injuste contre la Lybie qui s’est soldée par l’assassinat du dirigeant libyen et le massacre inutile de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants innocents.

Le livre de Huberson permet de se remettre en mémoire de très nombreux épisodes de la vie politique française abordés au meilleur niveau par Edwy Plenel.

On se rend compte que les ennemis de Plenel en France sont très nombreux, puissants, travaillent en bandes organisées pour éliminer Médiapart

Ils se recrutent surtout dans la presse qui, en France est contrôlée pour l’essentiel par des magnats de la finance et de l’industrie qui sont littéralement allergiques à l’idée qu’il puisse exister un journalisme indépendant d’eux.

Il va sans dire que pour réaliser un tel parcours journalistique, il ne faut point avoir le tempérament d’un doux rêveur.

Nombreux sont ceux qui n’apprécieront pas toutes les conceptions développées par Plenel sur ce que devrait être le journalisme dans une République moderne et démocratique.

On peut s’interroger sur sa conception de la démocratie trop fortement influencée par les analyses de Jacques Rancière .

Il reste cependant que le livre de Laurent Huberson mérite le détour. Il apporte la preuve vivante que la démocratie, profondément méprisée par les puissants du moment, mérite d’être défendue et peut l’être aussi longtemps qu’il sera possible de compter sur le talent, le courage, la combativité d’hommes et de femmes de l’envergure de Plenel.

Le 1/10/2018

Cla