Christian Ingrao : « Le nazisme est un discours sur le monde, sur l’histoire et sur soi »
Impressionnante synthèse historique, l’ouvrage « Le Monde nazi : 1919-1945 » décrit la « stratégie plurielle » d’une force qui a employé la violence et la séduction, et bénéficié de la complaisance des élites. Entretien avec l’un de ses coauteurs.
Joseph Confavreux et Fabien Escalona
6 décembre 2024 MEDIAPART
« La« La Shoah ne se résume en rien à un face-à-face entre meurtriers allemands et victimes juives. C’est une histoire européenne que ce livre va tenter de raconter. » Voici ce qu’écrivent les historiens Johann Chapoutot, Christian Ingrao et Nicolas Patin dans l’introduction de leur ouvrage Le Monde nazi : 1919-1945, que viennent de publier les éditions Tallandier.
Cette somme de près de 600 pages ne doit pas intimider. Sans jargon excessif, les coauteurs exposent avec clarté et précision les principaux acquis de leur discipline sur le nazisme. Depuis sa genèse, dans les ruines laissées par le premier conflit mondial, jusqu’à son effondrement, à l’issue d’une guerre génocide qui continue de hanter les mémoires, ils restituent la logique interne et les conditions de possibilité de ce « cortège tourmenté qui plongea le continent dans les ténèbres ».
Si les trois historiens tiennent à ne pas faire du nazisme une « aberration » allemande, ils s’efforcent aussi d’en explorer toutes les facettes, au-delà des violences pratiquées par le mouvement et le régime, « dont la diversité et l’intensité » continuent néanmoins de provoquer l’effroi. Dans les pages les plus originales du livre, ils montrent ainsi le continuum entre les crimes nazis, l’anéantissement de l’État de droit, et les dimensions a priori banales de leur « encellulement de la société », à travers des réseaux de charité et de festivités.
L’ambition du livre, atteinte, est de ne pas réduire le nazisme à « un mouvement, un parti politique, une stratégie ou un État », mais de le donner à voir comme un monde en soi, enraciné dans la matérialité, les croyances et les affects des sociétés et des individus.
Pour donner un aperçu de la tâche réalisée et prolonger la réflexion, Mediapart s’est entretenu avec un des coauteurs, Christian Ingrao, chercheur au CNRS et à l’EHESS. Il est spécialiste des violences de guerre et a notamment publié, en son nom seul, La promesse de l’Est : Espérance nazie et génocide (Édition du Seuil, 2016), et Le Soleil noir du paroxysme (Odile Jacob, 2021).
Mediapart : Quelles sont les principales idées reçues qui circulent encore sur le nazisme, et que ce livre tente de déminer ?
Christian Ingrao : La première, ce serait la place de Hitler. Il n’y a pas besoin de son omniprésence pour expliquer et décrire le nazisme, et il ne faudrait surtout pas laisser croire que ce phénomène est le fruit des capacités hors norme d’un individu, qui aurait agi comme un enchanteur maléfique. C’est d’abord une affaire allemande, puis européenne. Le génocide des juifs a bien sûr été un projet nazi, mais il aurait été impossible sans un concours européen.
La deuxième idée à démonter, ce serait celle d’un nazisme interprété comme un accident ou un complot. L’arrivée au pouvoir du national-socialisme est le fruit d’une conjonction d’aspirations, d’intérêts, d’aveuglements et d’irresponsabilité. Il faut tenir ensemble ces facteurs composites pour restituer la réalité.
Enfin, il est important de dire qu’il n’a pas été porté uniquement par les suffrages populaires. Oui, la société allemande a fait du Parti national-socialiste la première force du pays à un moment donné, au niveau fédéral. Mais les Allemands n’ont jamais choisi d’appeler Hitler au pouvoir, ni approuvé dans les urnes ce qu’il en a fait.
Vous notez à plusieurs reprises le caractère pléthorique des livres sur le nazisme et la Seconde Guerre mondiale : qu’avez-vous souhaité faire avec cette somme sur le monde nazi ?
Le livre répond à plusieurs logiques. La première est une logique de synthèse. On a repris les grands courants interprétatifs du nazisme, en mentionnant leurs apports, leurs limites et leurs hybridations. On s’aperçoit que la communauté historienne a parfois « voté avec ses pieds » durant les grandes querelles du champ académique, en se rangeant sans bruit derrière le paradigme le plus convaincant.
Par exemple, plus personne aujourd’hui ne se dit intentionnaliste [du nom de ce courant qui estimait que l’extermination des juifs d’Europe était voulue par Hitler et les nazis dès les débuts du mouvement – ndlr]. Mais en même temps, on sait que le fonctionnalisme le plus radical [le courant qui insiste sur le poids du contexte et de l’enchaînement des événements – ndlr] a lui aussi ses défauts, et qu’il faut toujours réintroduire des représentations, de la culture, des sensibilités, de l’idéologique dans nos récits.
Une nouvelle génération renouvelle le champ à travers l’histoire du social, des émotions, des sensibilités ou du genre.
Le deuxième intérêt du livre, c’est aussi de refléter une manière de faire de l’histoire, en France, qui n’est pas tout à fait la même qu’en Allemagne ou au Royaume-Uni. Cette dynamique n’a pas toujours existé. Quand j’ai commencé à faire l’histoire du nazisme, je ne trouvais pas de directeur de thèse spécialiste du nazisme en France. Désormais, il existe des historiens et des historiennes talentueuses, parfaitement germanophones, qui peuvent accompagner la jeune recherche.
Le troisième apport, c’est de mettre en évidence les résultats d’une quatrième génération d’études sur le nazisme. Les intentionnalistes ont dominé les années 1950, les fonctionnalistes les années 1970, puis les années 1990 ont été marquées par les travaux sur les acteurs du génocide, et de merveilleuses thèses d’histoire locale sur la Biélorussie ou la Pologne. Depuis dix ans, une nouvelle génération renouvelle le champ à travers l’histoire du social, des émotions, des sensibilités ou du genre.
Avant le traitement chronologique du phénomène nazi, un chapitre introductif décrit la vision du monde des nazis, en montrant que beaucoup de ses ingrédients ne sont pas originaux. Qu’est-ce qui a donc fait la spécificité, le cœur irréductible du nazisme, par rapport à d’autres courants d’extrême droite ?
D’une part, votre question interroge la singularité de la version allemande de l’ethno-nationalisme. On retrouve ici les débats sur le Sonderweg, cette voie spécifique que l’Allemagne aurait suivie pour se moderniser, et qui permettrait de comprendre le nazisme. De notre côté, nous ne pensons pas que ce récit assume seul une portée explicative suffisante. Pour comprendre le nazisme, il faut aussi prendre en compte les effets de la Première Guerre mondiale, ainsi que la défaite allemande et sa mise en récit.
D’autre part, votre question soulève la particularité du nazisme à l’intérieur de l’offre völkisch, ethno-nationaliste, en Allemagne. Ici, on a montré que les nazis sont un groupe parmi d’autres dans le Munich du début des années 1920, et qu’ils ont commencé à jouer un rôle fédérateur à partir de 1924-1925. Par rapport à ses concurrents, le Parti national-socialiste arbore un certain nombre de caractéristiques qui permettent de comprendre son succès.
Premièrement, il se révèle apte à s’ancrer dans divers milieux sociaux : il dispose d’une organisation étudiante, d’une organisation d’élites, de branches plus populaires…, si bien que le parti recrute aussi bien parmi les employés, et plus tard les chômeurs, que parmi les classes moyennes. Sa sociologie était composite.
Deuxièmement, le nazisme se distingue par sa très grande cohérence idéologique. C’est un discours sur le monde, sur l’histoire et sur soi. Le monde est présenté comme un agrégat de races, avec une grande zone où se concentrent les races les plus créatives, en Scandinavie, en Allemagne, aux Pays-Bas et dans les îles britanniques, et une dégradation de la « qualité » des races au-delà.
Le discours sur l’histoire avance que les Nordiques étaient déjà derrière Athènes, Sparte, Rome ou encore l’empire de Charlemagne. Se seraient succédé des phases de créativité impériale et des phases de décadence, la plupart du temps causées par cet ennemi immanent qui est la race juive.
Enfin, le nazisme donne une forme d’orientation de soi. Chacun des militants nazis est le représentant d’une chaîne de personnes, d’un lignage avec des ancêtres et des êtres en devenir. Chacun des membres du parti qui intériorise cette grille de lecture sait où il va. Tout ce qui était incompréhensible, dangereux, angoissant dans le chaos traversé par l’Allemagne entre 1919 et 1923 est élucidé.
La conquête du pouvoir se fait bien sur trois plans : les urnes, mais aussi la rue et l’accommodement des élites de plus en plus complaisantes.
Le discours nazi est donc un système culturel de « désangoissement », mais il est en même temps un projet utopique, de régénération sociobiologique de la Germanie, tendu vers l’avenir. Ce projet repose sur trois figures : la Volksgemeinschaft, c’est-à-dire la communauté du peuple, une « ethno-communauté » censée apporter chaleur et sollicitude ; le Lebensraum, puisqu’il faut un espace à cette communauté pour vivre, un biotope ; et enfin un Reich, un empire qui doit durer des milliers d’années une fois que cette communauté est constituée et dispose de son espace.
Vous insistez sur le fait qu’on ne peut pas comprendre le développement du nazisme sans la Première Guerre mondiale. À suivre l’évolution des votes et des adhésions au parti, on ne peut pas non plus le comprendre sans la crise de 1929 et ses suites. Comment les nazis ont-ils exploité ce moment de désastre économique ?
La crise a mis à l’épreuve une société qui connaissait déjà une montée des conservatismes. Quand on observe les résultats électoraux, la République de Weimar est un régime qui commence à gauche et termine quasiment à l’extrême droite. Ce qui s’effondre, ce sont les partis de droite traditionnelle et du centre, qui se mettent à « coller » au national-socialisme. Il y a une dimension générationnelle très forte dans cette dynamique, dans la mesure où ce sont les jeunes électeurs de ces partis qui basculent le plus vers les nazis.
Dans ces années-là, ils font volontiers campagne sur le pain et l’emploi, tandis que les responsables gouvernementaux rajoutent de la crise à la crise avec des politiques déflationnistes. En parallèle, ils pratiquent des violences contre leurs rivaux. La conquête du pouvoir se fait bien sur trois plans : les urnes, mais aussi la rue et l’accommodement d’élites de plus en plus complaisantes.
Concernant l’arrivée au pouvoir, d’ailleurs, vous mettez à distance deux types de discours : ceux qui incriminent la bourgeoisie et disculpent les masses allemandes, comme ceux qui estiment que la dictature nazie est issue du fonctionnement normal de la démocratie.
Il faut d’abord avoir en tête que le NSDAP est un Volkspartei, un « parti populaire » dont la composition transcende les classes sociales. C’est aussi un parti générationnel, qui attire en particulier les jeunes. On ne peut se contenter d’incriminer la classe ouvrière, ou de tout mettre sur le dos de la grande bourgeoisie et des magnats. Ça a marché avec ces derniers, c’est vrai, mais ça aurait marché sans eux.
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Adolf Hitler traversant la foule de ses partisans, devant sa maison de campagne à Obersalzberg, en Bavière, vers la fin des années 1930. © Photo Collection particulière / Photo12 via AFP
Ensuite, on dit que la société allemande a été acclimatée au national-socialisme à travers une stratégie plurielle : la séduction des masses, les démonstrations de force et l’administration de la violence dans la rue, et la cooptation par les élites conservatrices et réactionnaires. Celles-ci ont progressivement suspendu la démocratie, en permettant un gouvernement par décrets qui contournait les parlementaires, puis se sont dit qu’il serait plus facile d’intégrer les nazis au pouvoir en les contrôlant plutôt que de faire sans eux. C’était faire preuve d’une immense naïveté.
Un chapitre est consacré à la « dictature de la participation » comme caractéristique du régime. Expliquez-nous ce que cela veut dire, et notamment cet « activisme de la charité et de la bienfaisance » qui nous semble si décalé au regard de l’impulsion guerrière et exterminatrice de ce régime.
Les premiers travaux sur le nazisme avaient tendance à nous montrer une Allemagne terrorisée par la Gestapo, où le mode de domination était spécifique, c’est-à-dire totalitaire. Mais il a bien fallu répondre à des questions très simples. À Francfort, il y avait 1,2 million d’habitants et seulement cent-vingt membres de la Gestapo. Comment fait-on pour tenir une ville sous la terreur avec de tels effectifs ? Il faut quelque chose qui donne du pouvoir à ces cent-vingt personnes, et ce « quelque chose », c’est la dénonciation.
Dans les années 1970 et 1980, on a ainsi compris que la population avait été à la fois un objet et un acteur de la terreur. Mais il est apparu que ce n’était sans doute pas tout. Outre le parti nazi, il y avait des organisations, telles que la Ligue nationale-socialiste de bienfaisance et l’Œuvre d’entraide hivernale, sorte de Restos du cœur, qui accueillaient plus de 11 millions de familles adhérentes pour l’un et 13 millions de donateurs pour l’autre. Les épouses des officiers SS sur lesquels j’ai travaillé y appartenaient invariablement, avec un profil de vraies dames patronnesses.
La politique génocidaire nazie s’est construite à travers une série de décisions, qui ont été autant de cliquets successifs.
Dans le quotidien, le nazisme, c’était ça aussi : des fêtes et des kermesses régulières, de la bienfaisance et de l’entraide. Mais aussi l’absence de rupture entre cela, la surveillance et la terreur.
Je prends souvent l’exemple type d’un militant socialiste en 1936 : on peut imaginer que, la première année, il refuse de participer aux réjouissances organisées par le régime. Mais au bout de la troisième année où la dame patronnesse frappe à la porte sans succès, elle insiste et lui demande s’il a un problème avec la fête en question.
Un peu plus tard, son concierge ne lui dit plus bonjour, puis au travail on lui reproche son manque de productivité. Et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’on ressorte sa fiche en 1941, quand ça commence à ne plus aller, et qu’on le mette dans un camp. Tout sera parti de la non-participation à une fête…
À propos du génocide des juifs, vous soulignez qu’un glissement s’est produit, durant les années de gouvernement nazi, depuis une politique de persécution jusqu’à une politique d’extermination qui n’était pas entièrement programmée. Mais vous soulignez aussi que la communauté historienne continue de discuter sur la date précise de la décision d’extermination, avec des implications différentes.
À quelques mois près, on n’interprète pas la décision de la même manière. Quelques historiens désormais minoritaires pensent que le génocide a été décidé dans l’euphorie de l’été 1941, quand des nazis confiants auraient projeté de tuer tous les juifs pour accomplir leur rêve. La majorité estime plutôt que les décisions les plus lourdes de conséquences auraient été prises entre décembre 1941 et l’été 1942. Dans ce cas-là, c’est un génocide d’angoisse, consécutif à l’entrée en guerre des États-Unis. Une manière de tenter au moins de gagner cette guerre raciale, à défaut peut-être de gagner la guerre contre les Alliés.
En fait, la politique génocidaire nazie repose sur une série de décisions, qui ont été autant de cliquets successifs. Un premier paradigme nazi, durant les années 1930, était celui de la persécution : les juifs doivent partir. Puis, à l’été 1940, non seulement il est entendu que tous les juifs d’Europe doivent partir, mais sous la forme d’une « déportation-abandon » à Madagascar, territoire d’une grande pauvreté, qui implique de les y « laisser mourir ».
Une étape supplémentaire est franchie en mars-avril 1941, lorsque se mettent en place les préparatifs d’invasion de la Russie. Le choix logistique est que pas une patate ou un poulet ne doit sortir d’Allemagne pour nourrir l’armée de l’Est : il faut donc se nourrir sur la bête, quitte à ce que « des dizaines de millions d’individus meurent de faim », dont tous les juifs concentrés dans les villes assiégées. Il ne s’agit plus de laisser mourir les gens, mais de les faire mourir, fût-ce encore de manière indirecte.
Et puis à la fin de 1941, c’est la mise à mort directe qui est choisie. En septembre, c’est la première expérimentation du Zyklon B à Auschwitz. En octobre-novembre, sont construits les camps de l’opération Reinhard [nom du plan d’extermination des juifs dans le Gouvernement général de Pologne – ndlr]. Et quelques mois plus tard, en juin 1942, intervient la décision d’accomplir ce génocide en une année. Avec des effets frappants : avant l’été 1942, 80 % des juifs assassinés au cours de la Shoah étaient encore en vie ; douze mois plus tard, 80 % d’entre eux étaient morts.
Il y a une phrase de la conclusion du livre qui peut faire sursauter, selon laquelle « le nazisme [fut] la sécrétion la plus cohérente, radicale et conséquentialiste d’une histoire occidentale qui avait créé toutes les catégories mentales et instruments techniques d’une domination du monde et d’une réduction des êtres, des espaces et des choses à des fonds d’énergie et de matière dans lesquels il était loisible de puiser jusqu’à l’épuisement ». C’est une chose de ne pas faire du nazisme une aberration, c’en est une autre d’en faire le phénomène le plus « cohérent » de la modernité occidentale…
Je répondrai en faisant un détour par la physique quantique, pour souligner que les situations épistémologiques d’un physicien du quantique et d’un historien ne sont pas si éloignées. Les physiciens utilisent un outil qui s’appelle les « matrices-densité », des tableaux de chiffres qui représentent l’ensemble des états possibles qu’un système physique peut traverser à un instant t.
On conçoit la modernité un peu comme cela : un ensemble de formes potentielles de pouvoir, de domination, d’états démographiques et économiques et de politiques publiques. Il se trouve que l’Allemagne nazie coche à peu près toutes les cases des paroxysmes possibles de la modernité, et que les autres systèmes européens sont issus de la même matrice, tout en ayant exprimé d’autres potentialités de la modernité. Parler de « cohérence », cela renvoie au fait que les nazis ont choisi de mobiliser quasiment tout ce qu’il y a de pire dans cette matrice.
Mais la modernité, c’est aussi l’individuation, la différenciation des sphères sociales, la réflexivité…
Oui, mais ce n’est pas contradictoire. Derrière les différentes facettes du nazisme, il y a des managers, des anthropologues, des géographes… qui ont choisi de se saisir du côté réflexif de la modernité pour mettre en place des « sciences de la légitimation ». On l’a vu à propos de la dictature de la participation : même la charité et la solidarité ont été retournées.
En tant qu’historien, le travail sur le nazisme, appuyé sur l’immense littérature existante, peut-il permettre de se dire « ça y est, j’ai pleinement saisi les ressorts du monde nazi » ? ; ou persiste-t-il toujours une part d’étrangeté face à ce véritable trou noir de la conscience occidentale ?
J’ai 54 ans, ça fait un moment que j’y travaille, et je peux dire que j’ai trouvé mes réponses, aussi partielles puissent-elles encore demeurer. Mais je vois arriver des jeunes gens dont les questions m’ébouriffent, qui font des choses incroyables.
On connaît la bataille politique et juridique autour de la notion de « génocide » pour évoquer la situation à Gaza. Les outils utilisés dans votre livre peuvent-ils nous aider à penser l’horreur de ce qui s’y passe aujourd’hui ?
Quand on utilise de manière rigoureuse ces outils, il est possible de faire des pas de côté. Le terme de « génocide » a déjà été employé pour d’autres configurations, et je ne vois pas pourquoi on s’interdirait d’en penser l’éventualité. On a le droit de poser la question.
Mais on peut par ailleurs penser avec d’autres catégories, et le faire avec imagination. Ce que je veux dire, c’est que plaquer mécaniquement des situations historiques les unes sur les autres, c’est prendre le risque d’être sommaire. Pour autant, des éléments du passé peuvent nous aider à penser des situations contemporaines : les « ballons d’essai » pour voir comment réagit la communauté internationale, la façon dont le codage d’une guerre en combat existentiel contribue à la disposition aux pratiques d’agression contre les civils, etc.
Joseph Confavreux et Fabien Escalona
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