Le relativisme fait pschitt

 
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1On pourrait croire que les Science Wars qui eurent lieu dans les vingt dernières années du siècle précédent sont à présent terminées. Elles mettaient en avant un ensemble de disciplines et de courants qui entendaient, à des degrés divers, contester que la science incarne la rationalité et le savoir, contre les tenants d’un establishment universitaire et scientifique qui entendrait, selon ses critiques, faire taire la voix des minorités et brider la pensée libre et créatrice, en imposant une vision absolutiste et dogmatique de la science. Deux arguments dominaient : l’argument relativiste, selon lequel les théories scientifiques sont bien moins objectives et établies que la science officielle semble le dire, notamment parce qu’elles sont toutes relatives à des cadres de pensée contingents, et l’argument politique, selon lequel ces théories sont soumises à des intérêts sociaux et politiques, la prétendue autorité de la science ne reposant que sur le pouvoir de ceux qui la gouvernent. L’argument relativiste venait de la philosophie des sciences elle-même, avec la contestation de l’image dite « dominante » du progrès scientifique des positivistes et de Popper par des auteurs comme Kuhn, Feyerabend, ou Lakatos, mais aussi par des sociologues des sciences comme David Bloor ou Bruno Latour ou des philosophes comme Michel Foucault. Mais il fut vite radicalisé par les auteurs qui formèrent bientôt la nébuleuse de ce que l’on appela tantôt « postmodernisme », tantôt « French Theory », un complexe imprécis d’idées et de thèses comprenant aussi bien les thèmes du structuralisme français des années 1960, la psychanalyse, la déconstruction, que le post-colonialisme et la politique des « identités » [2][2]Cf. par exemple, Emily Apter, préface à la traduction du…. Le lien entre ces critiques de la science et les thèses plus classiques du relativisme culturel et du multiculturalisme est assez évident [3][3]Cf. notamment Will Kymlicka, « An Emerging Consensus ? »,…. C’est cet ensemble d’idées que visait le canular d’Alan Sokal en 1996 [4][4]Alan Sokal, « Transgressing the Boundaries : Towards a…. On aimerait pouvoir dire, à la manière du poète :

Enfin Sokal vint, et le premier de la science
Fit sentir une juste cadence,
D’un canular bien placé enseigna le pouvoir,
Et réduisit le savoir aux règles du devoir.

2Mais que reste-t-il, vingt ans après, du canular de Sokal et des discussions qui ont suivi le florilège de non-sens et d’impostures intellectuelles qu’il avait composé avec Jean Bricmont ? En un sens, pas grand-chose. On aurait pu penser que l’affaire Sokal aurait porté un coup d’arrêt à l’obscurantisme [5][5]L’appellation d’obscurantisme renvoie aux anti-Lumières et à… de toute une partie de la production en critique littéraire, en philosophie et en sciences sociales, et que les droits de la raison, du sérieux et de l’éthique intellectuelle auraient pu, sinon être rétablis, du moins à nouveau respectés. Mais les penseurs postmodernes que le canular visait, qui n’ont vu dans celui-ci qu’une manifestation de scientisme vulgaire, ont continué à prospérer : Derrida, Deleuze, Kristeva, Lacan, Serres sont toujours honorés et lus avec ferveur. La French Theory a certes vécu, et le constructivisme en philosophie des sciences ne fait plus recette, mais des idéologues dogmatiques comme Alain Badiou et Zlavoj Zizek tiennent toujours le haut du pavé. La pensée glissante et chatoyante d’un Bruno Latour, l’une des principales cibles de Sokal, n’a rien perdu de son pouvoir de séduction. De nouvelles étoiles, comme Quentin Meillassoux, apparaissent au firmament de la pensée française dont Badiou nous a avertis qu’elle était une « aventure [6][6]Alain Badiou, L’Aventure de la philosophie française depuis les… ». Le journalisme pseudo-philosophique, qui pense par analogies et qui ne vit que d’actualité et de sociologie rapide, a assis son emprise sur le monde des médias et de l’édition. La meilleure preuve que rien n’a changé est la récente vague de discussions autour de la « post-vérité ». On s’est étonné que le président Trump et ses amis aient déclaré qu’il n’y a pas de faits, mais juste des interprétations, ou que la vérité soit une notion idéologique qu’on peut manipuler à sa guise. Mais la nouveauté ne venait que de l’affirmation de ces idées dans l’espace public, car elles étaient celles-là même qu’avaient promues depuis des décennies les postmodernes, les « pragmatistes » à la manière de Richard Rorty et les penseurs radicaux comme Michel Foucault. Le refrain « Plus ça change, plus c’est pareil » peut toujours être entonné quand on constate que des charlatans comme le sociologue Michel Maffesoli et Alain Badiou ont eux-mêmes été victimes de canulars semblables à celui de Sokal sans pourtant que ces scandales intellectuels aient vraiment écorné leur réputation.

3L’irrationalisme triomphant ne bénéficie pas seulement à une frange d’intellectuels starisés. Les critiques de la science au nom de la religion furent prompts à s’approprier les thèmes postmodernistes : si la science est si mal assurée dans ses théories, si ses progrès ne sont pas aussi fermes qu’on le croit, si des notions comme celles de vérité ou de preuve sont fragiles et au service de toutes sortes de pouvoirs, qu’est-ce qui nous permet de croire aux théories les mieux établies de la science comme celles de la physique ou de la biologie de l’évolution ? Les créationnistes et les penseurs religieux n’ont pas été longs à tirer parti des Science Wars et de l’ère du soupçon. Mais s’ils ont célébré les penseurs qui apportaient de l’eau au moulin du constructionnisme, ils ont aussi célébré les noces de la science et de la religion, grâce à un double standard : quand la science ne va pas dans le sens de la religion, on doute de son objectivité, et quand elle apporte de l’eau à son moulin, elle devient un allié précieux. La Fondation Templeton, qui est devenue aujourd’hui l’une des principales sources de financement dans les humanités mais aussi dans les sciences, incarne parfaitement cette nouvelle alliance [7][7]Cf. Yves Gingras, Science et religion, PUF, 2015..

4Dans un contexte aussi déprimant, les quelques travaux qui s’efforcèrent, dès les années 1980, de dénoncer ces courants irrationalistes, sceptiques et relativistes, subirent à peu près le même sort qu’une génération plus tôt les critiques du marxisme et encore une génération avant, ceux du bergsonisme [8][8]On pense notamment à Raymond Aron, L’Opium des intellectuels,…. On les oublia. Depuis les sophistes anciens que combattait Platon, tous ceux qui s’attaquent au relativisme ont l’impression d’avoir affaire à un habile judoka. On a beau chercher une prise sur son kimono, et montrer l’incohérence des arguments relativistes, il parvient à vous échapper. En apparence du moins. L’irrationalisme a trois méthodes de défense bien éprouvées. La première est l’ignorance et le silence, selon le principe nescio vos, je ne te connais point. La seconde est le déni : aucun de ceux qu’on accuse de relativisme ne soutient cette thèse, dont tout le monde sait qu’elle se réfute elle-même – selon la formule de Putnam : « Le relativisme est vrai (pour moi). » Le relativisme prétendu est, comme le disait Russell au sujet de l’accusation de faire de la métaphysique, « une opinion que ne soutient pas l’auteur ». Pas vu, pas pris. Ni Lévi-Strauss, ni Foucault, ni Derrida ni même Protagoras ne sont relativistes ! [9][9]Paul Veyne, dans son livre Michel Foucault, sa pensée, sa… La troisième est l’argument du moralisme : ceux qui accusent les autres de relativisme et d’irrationalisme sont des sermonneurs, dont la défense des « valeurs » intellectuelles masque la complicité avec les pires conservateurs [10][10]Cf. le jugement de Cusset sur Sokal : « douteux appel aux…. Pire encore : en appeler à la Raison, faire ce que Foucault appelait « le chantage à l’Aufklärung », c’est plat, intellectuellement banal, et potentiellement dangereux. Qui irait en effet se réclamer de cette vieille lune sinon ceux qui cherchent à nous intimider et nous gouverner ? [11][11]Michel Foucault, « Qu’est-ce que les Lumières ? », Dits et…

5C’est pourquoi le livre de Larry Laudan, Science and Relativism : Dialogues on the Philosophy of Science, paru au pic des Science Wars, pourrait peut-être sembler au premier abord, plus de vingt-cinq ans après sa publication, décrire un paysage qui n’est plus tout à fait le nôtre. Mais il n’en est rien, car les discussions d’il y a vingt ans sont toujours en place. L’un de ses messages centraux est qu’il ne faut pas se laisser impressionner par les artistes du ju-jitsu intellectuel. Aussi habiles soient-ils, on réussira à trouver la prise qui les déstabilisera. C’est pourquoi ce livre sera salutaire pour ceux qui n’ont pas renoncé à aller au-delà des caricatures de ces discussions. Aller au-delà, cela signifie reprendre les problèmes de la philosophie des sciences dans lesquels s’enracinent les discussions sur la rationalité de la science, sa supériorité sur les autres formes de savoir, sa capacité à connaître le réel malgré et à cause de ses incertitudes. À ce titre le livre de Laudan non seulement nous fournit une excellente introduction aux problèmes classiques de la philosophie des sciences et aux thèses d’un de ses représentants les plus originaux, mais aussi nous donne des armes pour revenir sur les querelles du relativisme en général dans le contexte le plus contemporain.

6Science et relativisme prend la forme d’un dialogue entre quatre personnages : un réaliste en philosophie des sciences (Karl Selman), un positiviste (Rudy Reichfeigl), un relativiste (Quincy Rortabender) et un pragmatiste (Percy Lauwey). Leurs noms sont transparents pour quiconque connaît les principaux représentants du domaine : Karl Selnam est une synthèse de Karl Popper, Wilfrid Sellars et Hilary Putnam ; Rudy Reichfeigl désigne un composé de Rudolf Carnap, Hans Reichenbach et Herbert Feigl ; Quincy Rortabender est à la fois Quine, Rorty et Feyerabend, et Percy Lauwey une synthèse de Peirce, Dewey et de Laudan lui-même. Comme dans les Dialogues entre Hylas et Philonous, les personnages sont les porte-parole de leurs thèses respectives, mais comme ils sont des « composés » de divers auteurs, ils représentent plus les idéaux-types respectifs des positions en présence [12][12]Pour une présentation générale, cf. Claudine Tiercelin,…. Le réaliste en philosophie des sciences est celui qui défend en général la thèse selon laquelle les théories sont susceptibles d’être vraies littéralement, décrivent une réalité connaissable indépendante et sont capables d’expliquer de manière profonde le réel en révélant ses structures causales sous-jacentes. Au réalisme s’opposent deux sortes de positions antiréalistes. L’une est celle du positiviste, qui défend en général l’idée que nos théories ne peuvent pas être vraies littéralement, mais sont vérifiables empiriquement, et revendique une forme d‘instrumentalisme : les théories sont des instruments en vue de prédictions qui n’ont pas à charge de donner des explications ou des raisons de l’essence des choses. L’autre est celle du pragmatiste, qui soutient que nos théories doivent leur vérité essentiellement à leur efficacité pratique et à leurs applications techniques, et qu’elles s’insèrent dans un environnement social. Enfin le relativiste soutient en général que les théories scientifiques sont toutes vraies selon leurs perspectives propres, mais ne décrivent aucune réalité objective. Le dialogue aborde les principaux problèmes et thèmes de la philosophie contemporaine des sciences à travers leurs confrontations. Le premier dialogue discute la question de savoir s’il y a un progrès scientifique et une croissance du savoir, ce qui permet d’aborder la question de la relation entre les théories et leurs conséquences observationnelles, ainsi que la manière dont elles sont testées. Il discute notamment l’un des arguments les plus courants conduisant au relativisme ou au scepticisme, celui de la méta-induction pessimiste, selon lequel il ne peut pas y avoir de progrès scientifique, parce que la plupart des théories passées ont été montrées fausses ou inadéquates, ce qui nous autoriserait à penser que celles du futur subiront un sort semblable. Le deuxième dialogue traite d’une des questions les plus débattues de la philosophie des sciences, celle de savoir si les observations et les thèses empiriques dépendent plus ou moins de leur « charge théorique » d’arrière-plan. Selon la thèse dite de Duhem-Quine, aucun énoncé empirique n’est testable directement et indépendamment de la théorie dont il fait partie. Selon la thèse dite de sous-détermination des théories par la nature, tout énoncé scientifique est sous-déterminé par l’ensemble des observations, ce qui veut dire notamment que des théories incompatibles peuvent répondre tout aussi bien à l’expérience. Sur cette thèse achoppent aussi bien le positivisme que le réalisme, et elle apporte de l’eau au moulin du relativiste. Ce dialogue permet également de passer en revue les différentes conceptions de la confirmation des hypothèses depuis leur reformulation par Hempel et l’examen des paradoxes associés à cette notion. Le troisième dialogue discute d’une des conséquences de la thèse de Duhem et de Quine, le holisme : les énoncés, aussi bien théoriques qu’observationnels, forment un réseau qui interdit de les isoler pour les tester séparément, ce qui implique notamment que, comme le dit Quine, nos énoncés rencontrent l’expérience en bloc, sans qu’il soit possible de dire où l’on doit réviser nos théories quand elles rencontrent des obstacles, et par conséquent impossible aussi de dire en quoi il y a progrès ou recul de la science dans ces cas. Le dialogue ici conduit les interlocuteurs à voir la profonde affinité de cette idée avec celle que Thomas Kuhn a popularisée : les théories scientifiques sont toujours relatives à des arrière-plans ou « paradigmes ». Les deux dialogues suivants explorent cette idée sous diverses formes. D’abord avec l’examen des critères du succès des théories, ce qui conduit à un examen des diverses conceptions des règles de la méthode scientifique et de leur statut (sont-elles basées sur des conventions, comme le soutient le positiviste, ou sur des affinités profondes de nos théories avec la nature, comme le soutient le réaliste, ou bien sur aucun a priori, quel qu’il soit, comme le soutient le relativiste ?). Ensuite avec l’examen d’une des conséquences apparentes les plus frappantes de la théorie kuhnienne de la science : l’idée que les théories scientifiques, et les cadres (aussi bien théoriques que culturels) dont elles dépendent, sont incommensurables. On voit aisément le parti qu’un relativiste peut en tirer : il n’existe pas de possibilité de donner un fondement rationnel au changement scientifique et aux méthodes de la science, puisqu’elles sont inextricablement liées à des structures d’arrière-plan elles-mêmes non justifiables rationnellement [13][13]Sur l’héritage relativiste de Kuhn, voir notamment Alexander…. Cette notion conduit assez naturellement à l’idée, examinée dans le sixième et dernier dialogue, que les cadres et les déterminants de la science sont sociaux, et reposent les intérêts de la société et des groupes qui y dominent, thèse dont il est facile de voir combien elle s’allie à une perspective à la fois relativiste et pragmatiste.

7Le pragmatisme, comme l’indique le nom composite de son représentant Percy Lauwey, est la position préférée de Laudan lui-même. Il ne s’agit pas du pragmatisme historique, dans la mesure où les thèses de Charles S. Peirce penchent nettement du côté du réalisme (à la fois quant aux universaux et quant à la connaissance) alors que les idées de Dewey sont essentiellement instrumentalistes et vérificationnistes [14][14]Cf. Claudine Tiercelin, Le Ciment des choses. Petit traité de…. Pourtant Laudan est tout sauf un défenseur d’une conception qui ferait du succès l’unique critère de la vérité et de la valeur des théories scientifiques. Dans le livre qui a établi sa réputation comme philosophe des sciences, Progress and Its Problems (1977) [15][15]Trad. fr. : La Dynamique de la science, Mardaga, 1995., il soutient que la dynamique de la science procède par « résolution de problèmes ». Au lieu de définir le progrès scientifique en termes de rationalité des méthodes, il définit la rationalité en termes de progrès dans la résolution de problèmes historiquement déterminés. Cela implique selon lui qu’on ne peut pas mesurer le progrès, comme le voudrait le réaliste, en termes de notre capacité à atteindre une vérité ultime peut-être inconnaissable, ou à la fin de l’enquête dans une asymptote improbable, mais en termes de situations de problèmes changeant selon les époques. Là où Lakatos parlait de « programmes de recherches », Laudan parle de traditions de recherche. On peut voir en quoi sa position a des affinités avec celle du relativiste, puisqu’il insiste sur la dépendance des méthodes, des problèmes et du succès de la science vis-à-vis de contextes historiques, ce qui peut rappeler les paradigmes de Kuhn. Mais à la différence de celui-ci (ou plutôt de ses interprètes relativistes), et en totale opposition avec l’« anarchisme méthodologique » d’un Feyerabend, Laudan admet que la science peut viser et atteindre l’objectivité et décrire le monde avec succès, sans qu’il y ait de normes totalement objectives de ce succès. Dans un autre livre, Science and Values[16][16]Science and values : The Aims of Science and Their Role in…, Laudan avait soutenu ce qu’il appelait un « naturalisme normatif », selon lequel il n’y a pas de normes ultimes et inébranlables du progrès et de la méthode scientifique, les normes émergeant du progrès lui-même. Un relativiste pourrait s’accorder avec cette idée, mais Laudan refuse vigoureusement le nihilisme et l’antirationalisme que peuvent en tirer des auteurs comme Feyerabend, Rorty et un certain nombre de sociologues des sciences. L’un des intérêts de son dialogue est de montrer que souvent les positions positivistes, pragmatistes et relativistes ont des points communs, et peut-être forment une famille, celle de l’antiréalisme, dont les versions sont plus ou moins radicales, selon qu’elles acceptent ou refusent l’objectivité du vrai. À l’opposé, le réalisme n’est pas toujours à l’abri de la menace sceptique et relativiste : car plus il met haut la barre de la connaissance, plus il court le risque que, de nos échecs partiels à connaître, on conclue à un échec global de la connaissance. La même difficulté affecte le faillibilisme, thèse commune à toutes les positions : la connaissance scientifique est faillible, et soumise par essence à révision. Mais jusqu’à quel point l’est-elle ? Un faillibilisme dur, comme celui de Popper, soutiendra que toutes nos théories sont par principe réfutables si elles sont scientifiques, alors qu’un faillibilisme modeste ou raisonnable soutiendra qu’il existe un noyau de connaissance constant, fiable, et moins aisément révisable.

8Bien que les positions et les thèmes traités par Laudan soient essentiellement ceux qui tenaient le haut du pavé dans la seconde moitié du siècle précédent, je ne crois pas qu’il aurait beaucoup à changer ses personnages et ses discussions s’il devait tenir compte des thèses actuelles dans ce domaine. En fait les mêmes positions sont toujours là, mais on peut dire qu’elles se sont durcies. Le réaliste ne serait certainement plus représenté par Popper, dont les vues ont toujours été plus proches de ce qu’il appelle le « rationalisme critique » d’inspiration kantienne [17][17]Beaucoup d’auteurs se sont également demandé si, en refusant de…, ni par Putnam, qui a abdiqué ses toniques positions réalistes des années 1970 et 1980 pour aller vers une forme de réalisme tantôt « interne », tantôt « naturel », plus proche de celui de la philosophie du sens commun. Le réalisme scientifique s’est profondément renouvelé avec David Armstrong, David Lewis, Michael Devitt, E.J. Lowe, Alexander Bird et de tout un courant de « métaphysique des sciences » qui n’a pas eu les pudeurs des générations antérieures pour faire revivre des conceptions modales comme celles des causes ou dispositions naturelles, voire des essences [18][18]Cf. Alexander Bird, Nature’s Metaphysics : Laws and Properties,…. Le positivisme n’a plus les allures triomphantes qu’il avait encore du vivant de Carnap, mais il vit encore dans la philosophie formelle des sciences qui s’épanouit en Europe dans les œuvres de philosophes comme Wolfgang Spohn, Hannes Leitgeb, Erik Olsson, qui perpétuent les idéaux de rigueur de ce courant profondément rationaliste. L’empirisme constructif de Bas van Fraassen et les théories bayésiennes de la science mettent au premier plan la théorie probabiliste du savoir scientifique et développent des conceptions antiréalistes assez traditionnelles [19][19]Bas van Fraassen, The Scientific Image, Oxford Universiy Press,…. Mais les antiréalistes s’avancent à présent plus souvent sous la bannière d’une conception que l’on pourrait appeler modélisatrice ou simulationniste des explications scientifiques. À l’instar de Nancy Cartwright, ils soutiennent que la science ne peut plus proposer de théories profondes mais essentiellement des modèles, qui sont autant de fictions heuristiques [20][20]Nancy Cartwright, How the Law of Physics Lie, Oxford Universiy…. Le pragmatisme fleurit toujours en philosophie des sciences dans des œuvres comme celles d’Isaac Levi, de Philip Kitcher, de Robert Brandom et de Huw Price, et dans nombre de théories sociales de la science post-deweyennes [21][21]Philip Kitcher, Preludes to Pragmatism : Toward a…. Quant au relativisme, il est partout, bien qu’il se soit recyclé sous de nouveaux labels. Le relativisme sociologique du « Strong Program » de Barry Barnes et David Bloor ne fait plus recette, pas plus que la version wittgensteinienne jadis proposée par Peter Winch. On préfère se dire, comme Bruno Latour, « pluraliste » en célébrant la pluralité des « modes d’existence », tout en conservant les mêmes thèses constructionnistes selon lesquelles la réalité est « construite » ou « manufacturée » socialement [22][22]Bruno Latour, Enquête sur les modes d’existence. Une…. Des auteurs comme Martin Kusch revendiquent un relativisme conséquent [23][23]Martin Kusch, Knowledge by Agreement : The Programme of…. Les historiens des sciences et les tenants des science studies font bien plus que de la sociologie des sciences pour analyser les dimensions sociales du savoir : ils soutiennent que la science est intégralement une entreprise sociale, et qu’elle n’a pas de privilège spécial par rapport à divers types de « savoirs » et de techniques. L’épistémologie se revendique féministe : elle ne peut plus ignorer, nous dit-on, les identités sociales et de genre [24][24]Helen Longino, Science as Social Knowledge, Princeton…. Foucault, que Laudan brocardait en 1977 dans une note de Progress and its Problems[25][25]Op. cit., p. 241 : « Comme Bergson et Teilhard de Chardin avant…, n’a pas seulement survécu dans les esprits et les cœurs : il est triomphant. Bloor, cité ici par Laudan, disait en 1982 que « la stabilité d’un système de croyances [dont la science] est la prérogative de ceux qui l’utilisent ». On ne voit pas que les relativistes d’aujourd’hui disent quoi que ce soit de différent. Dans une très large mesure donc, Laudan pourrait réécrire son dialogue en 2017 sans changer beaucoup ses thèmes, même s’il devrait modifier les noms de ses personnages, et ajuster un peu leurs positions [26][26]On pourrait aussi remarquer que si l’on s’était placé une….

9Bien que Laudan discute dans son livre les principaux arguments du relativisme en philosophie des sciences, il n’en donne pas de définition stricte. Ce n’est pas étonnant, car le relativisme est protéiforme et difficile à définir. Laudan indique dans son livre les nombreuses facettes du relativisme en philosophie des sciences et il le caractérise de manière générale comme « la thèse que le monde naturel et tout ce que l’on a mis en évidence le concernant, ne pèsent pas, ou bien peu, sur nos opinions ». Il développe ses arguments principaux : celui de l’incommensurabilité, celui du holisme et celui de la sous-détermination. Mais le relativisme dont il est question dans son livre est surtout le relativisme épistémique, qui porte sur la justification de nos croyances. Selon cette forme de relativisme il n’existe aucune justification rationnelle de nos croyances, et en particulier de nos croyances (ou jugements) théoriques, telles qu’elles sont formulées dans l’activité scientifique. Laudan a en ce sens tout à fait raison de voir dans le refus d’auteurs comme Bloor de distinguer entre « croyances adoptées » et « croyances justifiables » la pierre de touche du relativisme quant à la justification. Selon ce relativisme, il n’y a rien de plus dans le fait qu’une théorie soit justifiée que le fait qu’elle est crue par un certain nombre de gens. Or le fait qu’elle soit crue revient au fait qu’elle est tenue pour vraie. Et il n’y a rien de plus dans la vérité d’une croyance (ou d’une théorie) que le fait qu’elle soit crue. La vérité n’ajoute rien à la croyance. Et il en est ainsi, selon le relativiste, parce que la croyance est toujours et uniquement ma (ou notre) croyance, jamais une croyance qui dépasserait notre sphère subjective ou notre consensus pour pouvoir devenir objective. C’est le relativisme protagoréen, celui que discutait Platon dans le Théétète et ailleurs, et qui a figuré pendant des siècles dans la batterie des arguments des sophistes et des dialecticiens : l’homme est la mesure de toutes choses. Ce type de relativiste prétend que la notion de vérité n’a jamais de sens absolu : le vrai est toujours ce qui est vrai pour moi, selon ma perspective ou mon point de vue (en ce sens le relativisme n’est pas un scepticisme, car le sceptique nie simplement qu’il y ait de la vérité et de la connaissance, alors que le relativiste entend redéfinir ces notions en termes subjectifs). Mais peut-on donner un sens à cette notion de vérité ? Elle rend, comme Platon l’avait déjà avancé, l’erreur et le désaccord impossibles. S’il n’y a pas de fait objectif quant à ce qui serait vrai ou pas, comment pourrait-on se tromper ? Et dans ces conditions, si un individu A dit que p alors qu’un autre dit que non-p, comment le premier pourrait-il être en désaccord avec le second si chacun de leurs énoncés est vrai « de son point de vue » ? Et si le désaccord tient au fait que l’un croit que p alors que l’autre croit que non p, on perd toute possibilité de donner un sens à la notion d’une vérité-pour X. L’attaque menée par les relativistes en philosophie des sciences contre la notion de fait, leur insistance sur l’inextricabilité des faits et des théories et sur le holisme des croyances et des énoncés participent de ce relativisme classique. Les relativistes savent parfaitement tirer profit du fait que le relativisme protagoréen classique est, de l’aveu de tous, incohérent et autoréfutant puisqu’il ne peut pas s’affirmer sans affirmer qu’il n’est lui-même qu’un point de vue. C’est l’une de raisons pour lesquelles personne ne se dit relativiste. Mais les relativistes exploitent habilement l’idée – fondamentalement idéaliste – que la notion d’une vérité absolue, d’un point de vue, selon l’expression de Thomas Nagel, de « nulle part », semble ne pas avoir de sens, et que la vérité semble toujours d’une manière ou d’une autre appréhendée sous un certain point de vue, au travers de certaines structures de pensée, de certains concepts ou cadres conceptuels. Mais cet argument, d’origine kantienne et ressassé à l’envi par Nietzsche et consorts, ne tient pas : le fait que l’on ne puisse pas se dispenser d’un point de vue sous lequel on voit X n’implique en rien que X n’existe pas et que ce soit « juste un point de vue ». En ce sens Kant est le père du relativisme contemporain, et il n’est pas étonnant, par exemple, qu’un philosophe comme Putnam ait, après avoir défendu un réalisme sans compromis (nos meilleures théories pourraient être fausses), évolué vers une forme de kantisme, puis de réalisme « naturel » (qui n’est autre qu’une version de l’idéalisme : le monde est notre monde) [27][27]Hilary Putnam, Realism with a Human face, Harvard University…. L’antiréalisme en général n’est cependant pas un relativisme, car il est capable d’admettre l’existence d’un point de vue objectif sur les choses et d’une justification de nos jugements. Les diverses formes de vérificationnisme, y compris celui de Dewey, sont des idéalismes, mais ce ne sont pas pour autant des relativismes : ils ne disent pas qu’il n’y a pas de fact of the matter quant à savoir si les théories scientifiques sont vraies, ils comprennent seulement « vrai » au sens de « vérifié » ou de « assertable de manière garantie ». Quoi qu’il en soit, l’argument kantien, si souvent répété, selon lequel on ne peut pas établir la vérité de nos jugements au sens de leur adéquation ou correspondance avec la réalité parce qu’il faudrait pour cela que nous connaissions déjà l’un des termes de cette confrontation – le réel – pour établir celle-ci [28][28]Logik, Introduction, sect. VII. B (trad. fr. Guillermit, Vrin,… repose sur une confusion entre la définition de la vérité et un critère de la vérité : il nous dit que nous ne pourrions pas établir la correspondance sans présupposer que nous savons comment l’établir, alors que le réalisme ne dit rien de tel, car il définit la vérité comme une correspondance qui pourrait très bien être hors de notre portée épistémique [29][29]Sur cette confusion entre définition et critère, je ne connais….

10C’est essentiellement autour de la notion de vérité et des notions sémantiques que le relativisme contemporain s’est trouvé repris et approfondi, dans des termes que ne développe pas Laudan dans Science et relativisme. Le relativisme est déjà en germe dans la conception qu’on a quelquefois appelée « redondantiste » de la vérité, selon laquelle l’équivalence entre « il est vrai que p » et « p » devrait pouvoir nous dispenser du mot « vrai ». Il a conduit nombre d’auteurs, comme Ramsey, à soutenir qu’il n’y a rien de plus dans la vérité d’un énoncé que l’assertion de cet énoncé ou le jugement qu’il exprime. Ramsey entendait mettre cette idée au service du pragmatisme : l’assertion de la vérité prime la vérité elle-même [30][30]Cf. Frank Ramsey, « Facts and propositions » (1926), in…. Mais on voit aussi tout le profit que peut en tirer le relativiste : s’il n’y a rien de plus dans la vérité de p que le fait que je l’affirme, ou que ma communauté l’affirme, toute vérité devient relative à nos assertions. Rorty, comme à son habitude, radicalise cette idée : la vérité n’est rien d’autre que le fait que nous approuvons les énoncés que nous tenons pour vrais, elle n’est qu’une petite « tape » ou accolade que nous donnons « sur le dos de nos assertions [31][31]Richard Rorty, Objectivity, relativism and truth, Cambridge…. » De cette conception déflationniste de la vérité à un déflationnisme ontologique généralisé, il n’y a qu’un pas. Carnap l’avait franchi, quand il interprétait la définition « sémantique » de la vérité de Tarski dans un sens neutraliste : le vrai est toujours relatif à un langage. Quine n’était pas loin, avec sa thèse de la relativité de l’ontologie à un langage. Il est frappant que nombre d’arguments relativistes contemporains s’appuient sur cette conception déflationniste du vrai. Ainsi Wittgenstein la soutenait, et ceux de ses disciples qui se sont appuyés sur sa notion de « forme de vie » pour défendre l’idée que tout notre savoir est relatif à des cadres conceptuels et pratiques ont défendu des formes de relativisme [32][32]Une abondante littérature existe tantôt pour soutenir que…. En philosophie des sciences, Arthur Fine a défendu une position de ce genre quant à la vérité scientifique : il n’y a rien de plus dans cette notion que l’équivalence « Il est vrai que p = p ». Fine appelle cela l’« attitude ontologique naturelle ». Elle revient à dire que toute théorie scientifique est tenue comme vraie par ses promoteurs, et quand elle répond aux faits, l’est, sans qu’on doive aller plus loin, vers un réalisme ou un antiréalisme. C’est une forme de déflationnisme néanmoins [33][33]Arthur Fine, « The Natural Ontological Attitude », in Jarrett….

11Mais c’est essentiellement dans le cadre de la sémantique et de la pragmatique contemporaine que des formes, en partie très anciennes, en partie renouvelées de relativisme se sont développées. Protagoras et les sophistes aimaient à parler de la relativité des sensations et du caractère essentiellement subjectif de nos pensées quand il s’agissait de goûts, de couleurs, de préférences. Qui irait nier que si je dis que « j’aime les huîtres » alors que vous dites « Je les déteste » nous sommes en désaccord, sans qu’il y ait quoi que ce soit de fautif ou de défectueux logiquement dans ce désaccord ? Que quand vous me téléphonez de Californie et me dites « Il fait beau ici », le sens de votre énoncé et ce que vous dites sont essentiellement associés au point de vue sous lequel vous vous placez ? Il serait parfaitement absurde de répondre : « Mais non il ne fait pas beau ici » en désignant l’endroit où vous vous trouvez maintenant (mettons : à Bergen), aussi absurde que la fameuse remarque d’Alphonse Allais en visite à Londres : « Je ne comprends pas les Anglais ! Tandis qu’en France nous donnons à nos rues des noms de victoire : Wagram, Austerlitz… là-bas, on leur colle des noms de défaite : Trafalgar square, Waterloo Place… » Il est indéniable qu’un certain nombre – peut être la majorité – de nos usages ordinaires du langage contiennent des expressions indexicales et ce que Russell appelait des « indicateurs de subjectivité », et que des domaines tels que ceux des goûts, ou des préférences nationales, exemplifient des formes de relativisme local ou partiel. Toute la question est : à quel point local ? Car au fond, pouvons-nous donner à nos énoncés des conditions de vérité (c’est ce qu’est supposée classiquement faire une sémantique) indépendamment des contextes dans lesquels nous les utilisons ? Il est facile de voir le parti que peut en tirer un relativiste : toute vérité n’est-elle pas contextuelle ? À l’exception peut-être des énoncés que Quine appelle « éternels » tels que « César a franchi le Rubicon le 11 janvier 49 avant J.-C. » ou « 7 + 5 = 12 », presque tous nos énoncés sont relatifs à un lieu, une date, une personne qui les émet dans des situations variées, et on dit souvent qu’il n’y a pas de contexte zéro, de phrase vraie « absolument ». Toute une littérature prenant son point de départ dans la sémantique et la pragmatique a soutenu que le sens, mais aussi la vérité étaient essentiellement contextuels, et l’on a développé des sémantiques complexes de circonstances d’évaluation et d’usage qui reviennent à relativiser presque tout le langage et les formes d’énonciation à des contextes. Si l’on étend cette idée du langage à la pensée même, on peut soutenir qu’il n’existe pas de pensée qui ne soit pas, à un degré ou un autre, indexicale et subjective. Pour en prendre la mesure, considérons les termes observationnels, par exemple les prédicats de couleur : ils semblent, comme le soutenait Hume, toujours associés à des qualités secondes, susceptibles de varier. Ou bien considérons des prédicats tels que « grand » ou « riche » et autres termes dits « attributifs » : on est toujours grand ou riche selon un point de vue (un homme peut être grand pour un jockey mais pas pour un basketteur, ou riche pour un fonctionnaire, mais pas pour un directeur de banque) [34][34]C’était en un sens déjà la leçon d’Austin, c’est celle…. Le relativisme contemporain est devenu un contextualisme, et des analyses contextualistes ont été proposées de toutes sortes d’énoncés, quant à la connaissance, quant à l’éthique, ou quant aux jugements de goût et esthétiques [35][35]Sur le contextualisme en théorie de la connaissance, cf. Keith…. N’assistons-nous pas alors à un triomphe du relativisme, dans la mesure où la relativité de presque tout (science, art, morale) à un contexte – linguistique, historique, géographique, culturel, etc. – semble une banalité ? En fait c’est loin d’être clair. De même que l’argument selon lequel on doit énoncer une vérité toujours selon une perspective ou un point de vue n’implique en rien qu’il n’y ait pas de vérité « en dehors » d’un point de vue, l’argument selon lequel nos énoncés ne sont vrais que relativement à des « paramètres » (de lieu, de temps, de situation) n’entraîne en rien que nos énoncés ne puissent pas être vrais. « Il fait beau ici » n’est vrai que si l’on spécifie le lieu, le temps et l’énonciateur de cette phrase. Mais une fois qu’on a fixé les paramètres, il n’y a aucun obstacle à dire que cet énoncé est vrai. Il ne l’est pas pour moi, ou pour le lieu (la Californie) où je me trouve, ou pour le temps (vendredi 27 octobre 2017) où je le prononce. Il est vrai tout court. Le relativiste pourrait ici tenter la manœuvre usuelle : on ne peut jamais spécifier tous les paramètres, et chaque usage d’une phrase relève de paramètres implicites et inspécifiables, donc il n’y a pas de vérité « absolue ». Mais cela reviendrait à soutenir qu’il n’y a jamais quoi que ce soit que nos énoncés puissent dire, puisque le sens devrait toujours dépendre d’un ensemble inspécifiable d’états du monde. Cela constituerait une forme de scepticisme peu plausible (même le sceptique a besoin de soutenir que nos énoncés ont un sens et des conditions de vérité). Il est donc loin d’être évident que l’on puisse tirer le relativisme généralisé du contextualisme. Dans le meilleur des cas, le relativiste devra soutenir la thèse de la relativité locale de certains fragments de discours. Mais cela ne conduira pas à du protagorasisme généralisé. Et si le relativisme revient à dire qu’il y a un certain nombre de prédicats qui sont relatifs à divers standards (ceux de goût, ou attributifs, peut-être aussi les prédicats vagues tels que « chauve » qui donnent lieu à ces arguments sorites qu’affectionnaient les sophistes de l’Antiquité), alors il est à la fois trivial et très limité.

12J’ai indiqué déjà que le relativisme quant à la vérité conduit à miner l’idée d’un désaccord entre des locuteurs sur un sujet donné. Si tout jugement ou toute assertion dépend d’un point de vue, et est « juste » un point de vue, comment est-il possible de s’engager dans des activités rationnelles courantes aussi bien dans la science que dans la vie quotidienne, la pratique du débat démocratique et bien entendu dans les controverses dont on dit qu’elles sont l’essentiel de la démarche scientifique ? Le relativiste est par nature l’adversaire des philosophies qui, comme celle de Habermas, font de la communication et du dialogue l’alpha et l’oméga de la raison, mais aussi de toutes les formes de philosophie qui revendiquent l’usage de l’argument. Comment pourrait-on donner des arguments s’il n’y avait aucun moyen de les évaluer comme corrects, et de les mesurer à des standards objectifs ? Un chapitre récent de la philosophie contemporaine porte sur l’épistémologie du désaccord : à quelles conditions peut-il y avoir un désaccord entre des pairs, c’est-à-dire des gens qui sont supposés savoir à peu près la même chose que vous, et être également rationnels ? [36][36]Cf. notamment David Christensen et Jennifer Lackey (eds.), The… Il est évident que le relativisme contemporain non seulement ne peut pas rendre compte de ce genre de situations, mais également qu’il les rend impossibles. Une bonne partie de son attrait tient au fait qu’il prédit qu’il peut y avoir des désaccords non seulement profonds, mais inévitables, qui condamnent toute tentative pour évaluer des énoncés et des théories comme vraies et comme fondées sur des raisons. Que cette situation soit, quand on considère l’histoire et la politique, indéniable, et qu’elle participe du profond scepticisme qui imprègne notre époque n’implique pas qu’on doive en conclure qu’il est impossible de jamais rechercher une vérité quelconque ou des raisons objectives pour nos croyances.

13Il est assez clair qu’il n’y a pas qu’une espèce de relativisme, mais des variétés de relativisme, qui commencent toutes à partir du moment où l’on doute de l’objectivité de la vérité, et qui sont davantage un syndrome de notre culture qu’ils n’en sont les symptômes. Il est comme le sparadrap du capitaine Haddock, on ne s’en débarrasse pas aisément. Mais il y a sans doute des formes plus ou moins radicales, plus ou moins nocives et offensives de relativisme, tout comme il y a des virus plus ou moins offensifs. Le relativisme extrême ou généralisé du « Tout est relatif » est assez clairement incohérent, même si montrer cette incohérence est un travail de longue haleine [37][37]Les meilleurs travaux à mon sens sont ceux de Boghossian, Fear…. Il y a aussi toutes sortes de dimensions du relativisme, selon les domaines : culturel ; quand on soutient que nos pensées sont relatives à des cadres culturels ; linguistique, quand on soutient que notre pensée est relative à nos langues ; social, esthétique, moral, etc. [38][38]Sur le relativisme culturel, cf. par exemple Clifford Geerz,… Toutes ces formes ne sont pas également absurdes. Elles ne le deviennent que lorsqu’elles généralisent : tout est social, culturel, linguistique, etc., ou quand elles concluent, comme Feyerabend, à une incommensurabilité des théories et une irrationalité radicale des méthodes de la science [39][39]L’argument de Davidson (« On the very idea of a conceptual…. Le relativisme est toujours à la fois plausible et intenable. Entre la position d’une vérité et d’une justification rationnelle absolues d’une part, et une conception de la vérité et de la justification en archipel, voire une forme de scepticisme complet, il y a certainement des nuances. Mais dès qu’on essaie de formuler des versions « raisonnables » de relativisme, on se heurte à des problèmes insurmontables. Par exemple, plusieurs auteurs, parmi lesquels Crispin Wright et Michael Lynch, ont défendu ce qu’ils appellent un pluralisme quant à la vérité. Il y aurait un concept générique de vérité (défini par un ensemble de platitudes telles que l’équivalence de « il est vrai que p » et de « p ») mais se distribuant, selon les divers domaines où il peut s’appliquer (mathématiques, physique, objets ordinaires, éthique, etc.) en divers concepts de vérité. Ainsi la vérité pourrait-elle être la correspondance en physique, mais la cohérence en éthique. Cette thèse ne serait pas du relativisme aléthique, au sens où le concept de vérité serait systématiquement ambigu selon le domaine dont on parle, mais pluraliste, au sens où un seul et même concept de vérité s’appliquerait différemment selon les domaines. C’est une idée séduisante, qui rend compte de certaines des intuitions relativistes, et peut être aussi de cette mystérieuse idée foucaldienne qui séduit tant, selon laquelle il y aurait divers « régimes de vérité ». Mais comment pourrait-on pluraliser ainsi la vérité sans admettre qu’il ne s’agit plus, d’un domaine à un autre, du même concept de vérité ? L’absolutisme s’impose. Il ne se formule pas nécessairement comme la thèse, souvent invoquée caricaturalement par les relativistes, selon laquelle il n’y a qu’une seule sorte de vérité, absolue, intemporelle, et nécessairement inaltérable, mais sous la forme de l’idée qu’il existe un ensemble de traits minimaux de la vérité, parmi lesquels il y a l’objectivité [40][40]Cf. Crispin Wright, Truth and Objectivity, Oxford University….

14Même s’il ne pouvait pas, il y a trente ans, prévoir toutes les formes que prendrait le relativisme, Larry Laudan a fait, dans ce livre clair et efficace, un diagnostic très salubre des principaux arguments qui rôdent dans les parages de cette thèse anguille, qui infeste toutes nos conceptions intellectuelles. Son « pragmatisme » historicisant est certainement l’une des meilleures tentatives pour formuler une version raisonnable de la relativité du vrai à des contextes permettant de sauver cette notion et celle de progrès. Mais on peut penser aussi qu’il aurait mieux conjuré le spectre, toujours renaissant, du relativisme, s’il avait, sur la base d’une théorie de la vérité, cherché à formuler une version réaliste de cette thèse un peu meilleure que celles qu’il avait alors à sa disposition. Notre époque, et bien d’autres avant, a traité la plupart du temps le relativisme comme la position par défaut dans toute analyse de la science, de la culture, et de l’art. Ne serait-il pas temps de traiter le réalisme, épistémologique et aléthique, comme la véritable position par défaut ?

Notes
  • [2]
    Cf. par exemple, Emily Apter, préface à la traduction du Vocabulaire des intraduisibles dirigé par Barbara Cassin, Dictionary of the Untranslatables, Princeton University Press, 2014, p. 8 (je me permets de renvoyer à mon article « Le mythe de l’intraduisible », En attendant Nadeau, hors-série 1, 2017 ). Le livre de François Cusset, French Theory (La Découverte, 2002), malgré la distance sociologique qu’il parvient à prendre quelquefois vis-à-vis de son sujet, reste tout empreint de nostalgie de la campagne d’Amérique de nos Bonaparte de l’intellect et de l’« héroïsme » de la pensée française (p. 350). Cet ouvrage cependant ne fait pas le lien entre les Science Wars et le règne de la French Theory, alors que leurs affinités sont assez évidentes. Voir notamment p. 191-192 les remarques sur le « relativisme » prêté à la French Theory, dont l’auteur semble douter qu’il « abolisse la différence du vrai et du faux ». Il renvoie dos à dos les French Theorists et leurs adversaires, mais sans apparemment noter que l’irrationalisme reproché par les seconds aux premiers n’est pas nécessairement le signe d’un conservatisme : Chomsky, Walzer et Sokal sont tout sauf des disciples d’Irwin Kristol ou d’Allan Bloom.
  • [3]
    Cf. notamment Will Kymlicka, « An Emerging Consensus ? », Ethical theory and moral practice 1, 1998, p. 143-157, et Brian Barry, Culture and Equality, Blackwell & Polity Press, 2001.En ligne
  • [4]
    Alan Sokal, « Transgressing the Boundaries : Towards a Transformative Herme-neutics of Quantum Gravity », Social Text no 46-47, « Science Wars », 1996, p. 217-252, et avec Jean Bricmont, Impostures intellectuelles, Odile Jacob, 1997.
  • [5]
    L’appellation d’obscurantisme renvoie aux anti-Lumières et à une tendance traditionnelle à refuser la raison, mais le sujet a été renouvelé par Jon Elster, « Obscurantisme dur et obscurantisme mou dans les sciences humaines et sociales », Diogène n° 229-230, 2010, p. 231-247.
  • [6]
    Alain Badiou, L’Aventure de la philosophie française depuis les années 60, La Fabrique, 2012. Mais comme le dit le titre d’un film célèbre, « l’aventure, c’est l’aventure ».
  • [7]
    Cf. Yves Gingras, Science et religion, PUF, 2015.
  • [8]
    On pense notamment à Raymond Aron, L’Opium des intellectuels, Plon, 1955, et à Julien Benda, Une philosophie pathétiquele bergsonisme, Émile Paul, 1914. Mais le postmodernisme des années 1970-1990 a à présent face à lui quelques excellents livres notamment : Jacques Bouveresse, Rationalité et cynisme, Minuit 1986 ; Raymond Boudon et Maurice Clavelin (dir.), Le Relativisme est-il résistible ?, PUF, 1994 ; Paul Boghossian, Fear of Knowledge, Oxford, 2005 (trad. fr. La Peur de savoir, Agone, 2007) ; Diego Marconi, Per la verita, Einaudi, 2008 ; Timothy Williamson, Tetralogue, Oxford, 2015.
  • [9]
    Paul Veyne, dans son livre Michel Foucault, sa pensée, sa personne, (Albin Michel, 2008), nous dit que Foucault est juste un sceptique, et non un relativiste, ce qui semble à ses yeux le dédouaner de cette accusation infâme. Barbara Cassin revendique un relativisme « non subjectiviste » et « conséquent ». On laissera au lecteur apprécier s’il vaut mieux être sceptique et relativiste conséquent que relativiste tout court. Lévi-Strauss a alterné les déclarations relativistes et universalistes sur la culture. Derrida, après avoir critiqué le « logocentrisme » et vu dans la raison la censure et l’oppression, nous a expliqué qu’il vénérait la vérité et la raison.
  • [10]
    Cf. le jugement de Cusset sur Sokal : « douteux appel aux valeurs », French Theoryop. cit., p. 16-18. Voir aussi le numéro de Cités n° 5, 2005, et la préface de Laurent Jaffro et Sandra Laugier : « Retour du moralisme ? », qui reprend l’antienne consistant à assimiler la référence aux règles de la vérité et de la preuve à du moralisme.
  • [11]
    Michel Foucault, « Qu’est-ce que les Lumières ? », Dits et écrits, IV, repris in Œuvres, Pléiade, vol. II, Gallimard, 2016, p. 1391.
  • [12]
    Pour une présentation générale, cf. Claudine Tiercelin, « Réalisme », in Dominique Lecourt (dir.), Dictionnaire d’histoire et philosophie des sciences, PUF, 1999. p. 802-806.
  • [13]
    Sur l’héritage relativiste de Kuhn, voir notamment Alexander Bird, « Thomas Kuhn’s relativistic legacy », in Steven Hales (ed.), A Companion to relativism, Blackwell, 2011.
  • [14]
    Cf. Claudine Tiercelin, Le Ciment des choses. Petit traité de métaphysique scientifique réaliste, Éditions d’Ithaque, 2011
  • [15]
    Trad. fr. : La Dynamique de la science, Mardaga, 1995.
  • [16]
    Science and values : The Aims of Science and Their Role in Scientific Debate, University of California Press, 1984.
  • [17]
    Beaucoup d’auteurs se sont également demandé si, en refusant de considérer l’induction comme une forme de justification rationnelle de nos croyances et en soutenant qu’il n’y a pas de solution aux doutes humiens sur ce point, Popper n’a pas penché plutôt du côté du scepticisme, et si en mettant la barre très haut en soutenant qu’il n’y a pas de justification rationnelle de nos croyances en dehors de leur falsification potentielle, Popper n’a pas été tenté par le démon de l’irrationalisme. Cf. David Stove, Four irrationalists, Popper and After, Pergamon Press, 1981, et Susan Haack, Defending Science within Reason, Prometheus Books, 2007.
  • [18]
    Cf. Alexander Bird, Nature’s Metaphysics : Laws and Properties, Oxford University Press, 2007 ; E.J. Lowe, The Four-Category Ontology : A Metaphysical Foundation for Natural Science, Oxford University Press, 2006 ; Max Kistler, Causation and Laws of Nature, Routledge, 2006 ; Tiercelin, Le Ciment des chosesop. cit. ; Michael Esfeld, Naturphilosophie als Metaphysik der Natur, Suhrkamp, 2008.
    On ne confondra pas ces formes de réalisme métaphysique avec celles qui se sont récemment parées de ce titre sous le nom de « réalisme spéculatif » ou de « nouveau réalisme », qui sont en réalité des sous-produits du postmodernisme et des idéalismes post-kantiens (je les ai décrites dans « Le réalisme kitsch », Zilsel, 2015, https://zilsel.hypotheses.org/2103). Le réalisme n’est pas un postulat, il se mérite.
  • [19]
    Bas van Fraassen, The Scientific Image, Oxford Universiy Press, 1981.
  • [20]
    Nancy Cartwright, How the Law of Physics Lie, Oxford Universiy Press, 1996 ; The Dappled World, Oxford University Press, 2002 ; Anouk Barberousse, « Recurring models and sensitivity to computational constraints », The Monist 97(3), 2014, p. 15.
  • [21]
    Philip Kitcher, Preludes to Pragmatism : Toward a Reconstruction of Philosophy, Oxford University Press, 2012 ; Robert Brandom, Between Saying and Doing : Towards an Analytic Pragmatism, Oxford University Press, 2008 ; Huw Price, Naturalism without Mirrors, Oxford University Press, 2011.
  • [22]
    Bruno Latour, Enquête sur les modes d’existence. Une anthropologie des Modernes, La Découverte, 2012 ; Karin Knorr-Cetina, The Manufacture of Knowledge : An Essay on the Constructivist and Contextual Nature of Science, Pergamon Press, 1981.
  • [23]
    Martin Kusch, Knowledge by Agreement : The Programme of Communitarian Epistemology, Oxford University Press, 2002.
  • [24]
    Helen Longino, Science as Social Knowledge, Princeton University Press, 1990. Sur l’histoire des savoirs, cf. les volumes dirigés par Dominique Pestre, Histoire des savoirs, Seuil, 2016, et mon compte rendu de ce livre in En attendant Nadeau 7, avril 2016, en-attendant-nadeau.fr/une-sept-sciences/
  • [25]
    Op. cit., p. 241 : « Comme Bergson et Teilhard de Chardin avant lui, Foucault a bénéficié de cette curieuse opinion anglo-américaine, selon laquelle quand un Français semble délirer, c’est que son discours repose sur une pensée trop profonde pour être comprise par un anglophone. »
  • [26]
    On pourrait aussi remarquer que si l’on s’était placé une cinquantaine d’années en arrière, au sein du courant positiviste viennois, on retrouverait les ancêtres immédiats des positions décrites par Laudan : Schlick défendait une forme de vérificationnisme, Neurath une forme de holisme, Carnap une forme de positivisme. L’Américain Morris défendait le pragmatisme.
  • [27]
    Hilary Putnam, Realism with a Human face, Harvard University Press, 1990 (trad. fr. Le Réalisme à visage humain, Seuil, 1994).
  • [28]
    LogikIntroduction, sect. VII. B (trad. fr. Guillermit, Vrin, p. vii).
  • [29]
    Sur cette confusion entre définition et critère, je ne connais pas de meilleure discussion que celle de James par Russell dans ses Essais philosophiques de 1910 (trad. fr. PUF, 1997).
  • [30]
    Cf. Frank Ramsey, « Facts and propositions » (1926), in Philosophical papers, Cambridge University Press, 1990 (trad. fr. Logique, philosophie et probabilités, Vrin 2003).
  • [31]
    Richard Rorty, Objectivity, relativism and truth, Cambridge University Press, 1991. Rorty nie être un relativiste, car il prétend s’appuyer sur la thèse davidsonienne de l’indistinction du « schème » conceptuel et du contenu, alors que les relativistes selon lui affirment cette distinction. Mais quand il nous dit que tout est une question de « vocabulaire » et qu’aucun vocabulaire ne peut primer les autres, il développe un thème classique du relativisme, selon lequel tout discours en vaut bien un autre.
  • [32]
    Une abondante littérature existe tantôt pour soutenir que Wittgenstein apporte de l’eau au moulin du relativiste, tantôt pour soutenir le contraire. Une chose est sûre : ce que l’on a appelé le quiétisme, la thèse selon laquelle les questions métaphysiques n’ont pas de sens, qui est commune à des formes de positivisme, de pragmatisme et d’idéalisme contemporains, prend sa source dans des conceptions de la vérité et de la connaissance d’origine wittgensteinienne. Il n’est pas totalement étonnant qu’un des représentants les plus éloquents du quiétisme déflationniste, Paul Horwich (Truth, Oxford University Press, 1991) ait défendu une conception wittgensteinienne de la philosophie (Wittgenstein’s Metaphilosophy, Oxford University Press, 2013).
  • [33]
    Arthur Fine, « The Natural Ontological Attitude », in Jarrett Leplin (ed.), Scientific Realism, University of California Press, 1984, p. 261-277.
  • [34]
    C’était en un sens déjà la leçon d’Austin, c’est celle d’auteurs tels que Dan Sperber, Relevance, Blackwell, 1986 et François Recanati, Perspectival Thought : A Plea for (Moderate) Relativism, Clarendon Press, 2007 ; John MacFarlane, Assessment Sensitivity, Oxford University Press, 2014. Voir, pour une analyse « relativiste » et « contextualiste » de la vérité également Max Kölbel, Truth without objectivity, Routeldge, 2002, et Michael Lynch, Truth in Context, MIT Press, 1993. Il est important de noter qu’aucun de ces auteurs ne va plus loin que ce qu’ils appellent un relativisme « modeste ». Leurs conceptions sont intéressantes, mais si l’on en attend une justification du relativisme global, elle fait pschitt.
  • [35]
    Sur le contextualisme en théorie de la connaissance, cf. Keith deRose, The Case for Contextualism, Oxford University Press, 2009 ; en éthique, Alan Thomas, Value and Context : the Nature of Moral and Political Knowledge, Clarendon Press, 2006 ; et Jonathan Dancy, Ethics Without Principles, Clarendon Press, 2004.
  • [36]
    Cf. notamment David Christensen et Jennifer Lackey (eds.), The Epistemology of Disagreement : New Essays, Oxford University Press, 2013.
  • [37]
    Les meilleurs travaux à mon sens sont ceux de Boghossian, Fear of Knowledgeop. cit. ; Annalisa Coliva, I modi d’il relativismo, Laterza, 2009 ; Williamson, Tetralogueop. cit. (dont j’ai rendu compte dans La Quinzaine littéraire 1133, août 2015) et J. Adam Carter, Metaepistemology and Relativism, Palgrave, 2016. On consultera aussi Maria Baghramian, Relativism, Routledge, 2004, et Steven Hales (ed.), Blackwell Companion to Relativism, Blackwell, 2011.
  • [38]
    Sur le relativisme culturel, cf. par exemple Clifford Geerz, Local Knowledge : Further Essays In Interpretive Anthropology, Fontana, 1993 ; sur le relativisme linguistique souvent appelé « thèse de Sapir-Whorf », le classique Benjamin L Whorf, Language, Thought, and Reality, MIT Press, 1956 ; sur le relativisme moral, voir Gilbert Harman, The Nature of Morality : An Introduction to Ethics, Oxford University Press, 1977, et Carol Rovane, The Metaphysics and Ethics of Relativism, Harvard University Press, 2013.
  • [39]
    L’argument de Davidson (« On the very idea of a conceptual scheme », 1969, que mentionne ici Laudan dans son cinquième dialogue sur l’incommensurabilité) est l’un des principaux coups d’arrêt contre le relativisme culturel.
  • [40]
    Cf. Crispin Wright, Truth and Objectivity, Oxford University Press, 1993 ; Michael Lynch, Truth as Many and as one, Oxford University Press, 2005. J’ai discuté ces thèses dans La Vérité, Hatier, 1998 ; Truth, Acumen, 2002 ; « Truth is one », Philosophia Scientiæ 13(1), 2009 ; « Against alethic pluralism », in Pier Luigi Lecis, Vinicio Busacchi, Pietro Salis (eds.), Realtà, verità e rappresentazione, Angeli, 2011, p. 249-266 ; « Alethic functionalism and the norm of belief », in Nikolaj Pedersen et Cory Wright (eds.), Truth and Pluralism : Current debates, Oxford University Press, 2013, p. 69-86.
 
Mis en ligne sur Cairn.info le 16/07/2020
 
 
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